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afin surtout de se mettre à portée de couvrir ceux des bâtimens de Nelson que leurs avaries obligeraient à sortir de la ligne. La nécessité pour ces bâtimens de passer, en se retirant du feu, sous les batteries qui défendaient de ce côté l’entrée de la rade de Copenhague, constituait en effet le plus grand danger de cette entreprise.

Pendant la nuit qui précéda son audacieuse tentative, Nelson s’occupa de baliser lui-même les abords du Middel-Grund, opération que les Danois, par un défaut de surveillance impardonnable, n’essayèrent point de troubler. Le lendemain, à une heure de l’après-midi, son escadre, précédée par la frégate l’Amazone, que commandait le brave capitaine Riou, donnait dans la Grande Passe et ne jetait l’ancre qu’à huit heures du soir, après avoir doublé, à l’aide d’un dernier souffle de brise, l’extrémité de ce banc dangereux, dont le nom est resté célèbre dans les fastes maritimes de l’Angleterre. De ce mouillage, la division anglaise ne se trouvait plus qu’à 2 milles des navires danois, et elle était en position de se porter directement sur la ligne ennemie dès que le vent viendrait à changer. Cette nuit fut employée, comme la précédente, à sonder ces passes dont on avait alors une connaissance si imparfaite. Le capitaine Hardy, qui devait recevoir à Trafalgar les derniers embrassemens de Nelson, avait quitté le Saint-George pour suivre l’amiral, auquel il était tendrement attaché. Il voulut se charger lui-même de cette exploration. Se servant d’une longue perche pour mesurer la profondeur de l’eau, afin de n’éveiller par aucun bruit l’attention de l’ennemi, il put arriver jusqu’au premier vaisseau danois et s’assurer que l’escadre ne rencontrerait aucun obstacle sur son passage. Quant à Nelson, il ne put fermer l’œil de la nuit. Il en passa une partie à dicter ses ordres, car le vent venait de changer et promettait de favoriser le lendemain ses projets. La ligne danoise, composée de 18 navires, occupait un espace d’environ 1 mille et demi, et couvrait, de la batterie des Trois-Couronnes jusqu’à l’île d’Amack, le front de Copenhague. La manœuvre des vaisseaux anglais devait consister à prolonger cette ligne et à s’arrêter, en laissant tomber une ancre de l’arrière, au poste qui leur était assigné à l’avance par le travers d’un bâtiment ennemi. Les frégates devaient agir sur les deux extrémités de la ligne.

À neuf heures du matin, l’escadre anglaise mit sous voiles, et le vaisseau l’Edgar donna le premier dans la passe. L’Agamemnon eut dû le suivre, mais le courant violent qui portait alors vers le nord ne lui permit point de doubler l’extrémité du Middel-Grund, et, bien qu’il essayât de se touer avec des ancres à jet, il ne put jamais parvenir à s’élever au vent de ce banc. Le Polyphemus prit sa place et s’avança suivi de l’Isis. Le cinquième vaisseau, la Bellone, serra de trop près le