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et a déjà produit une forte augmentation dans la réserve de la Banque. De 60 millions, cette réserve est remontée à 90 millions, et les escomptes du 31 janvier ont été moins forts que la somme des billets à encaisser. La position plus satisfaisante de cet établissement doit réagir d’une façon sensible sur le commerce de Paris. Nous ne croyons pourtant pas qu’avant quelques mois la situation générale des affaires soit beaucoup plus rassurante. La confiance ne renaîtra entièrement que devant l’apparence d’une bonne récolte et devant les mesures que prendront les chambres pour venir en aide aux porteurs d’actions des chemins de fer votés dans la session dernière.

En attendant, les régens de la Banque discutent toujours, mais n’adoptent pas encore la création de billets de 250 francs et même de 100 francs. Ce serait là pourtant une grande facilité accordée à la circulation et l’un des plus efficaces remèdes à la rareté du numéraire. Il semble même que la Banque devrait être conduite à adopter promptement ce parti, par suite d’une faute grave qu’elle aurait commise. En effet, on avait repris quelque confiance dans ses ressources, à l’annonce d’un emprunt de 30 millions, en lingots, contracté par elle avec la banque d’Angleterre, et remboursable à quatre-vingt-dix et cent jours, en ses acceptations. Est-il vrai que tout l’espoir qu’on avait dans cette mesure serait venu échouer devant une impossibilité matérielle ? Est-il vrai que la Monnaie de Paris ne convertit en espèces que 5 à 600,000 francs par jour, tandis qu’en disposant des ressources que lui offre la fabrication de la monnaie d’or et des pièces divisionnaires, il lui serait aisé de porter à plus d’un million le chiffre de sa fabrication quotidienne ? À 500,000 francs par jour, il faudra deux mois pour avoir rendu liquides les 30 millions de l’emprunt ; si on y ajoute les délais du transport, les jours de non travail, on arrive facilement au terme de quatre-vingt-dix jours, dont il est juste de prendre la moyenne, soit quarante-cinq jours. Cette conversion de lingots en numéraire ne pourrait donc pas augmenter de beaucoup la circulation. En réalité, l’emprunt aurait amené du numéraire sur la place pendant six semaines seulement, et la monnaie n’en aurait pour ainsi dire été battue que pour faire la provision du paiement de la Banque. Cela aura été, d’une part, un palliatif au lieu d’un remède efficace ; de l’autre, une mauvaise opération pour la Banque, qui aura à supporter des frais de transport et de commission. Les bruits qui ont circulé à ce sujet, ceux qu’on a fait courir sur une décision des banques d’Angleterre, qui seraient résolues à élever le taux de leur escompte pour arrêter l’exportation de leur argent sur le continent, ont amené les plus brusques variations à la Bourse : les spéculateurs à la baisse prêchent plus que jamais la nécessité d’un emprunt. Cependant nous ne sachions pas qu’un emprunt soit urgent, et nous croyons qu’une simple émission de bons du trésor à un taux plus élevé ferait affluer beaucoup d’argent, car, s’il y a encore des preneurs à 2 et demi pour les bons à six mois et à 3 pour 100 pour ceux à un an, il est hors de doute que de nombreuses demandes auraient lieu pour les bons à 3 et demi pour 100, et même à 4 pour 100.

De gaves préoccupations pèsent sur l’Angleterre comme sur la France. Telle est la situation de l’Irlande, que les mesures proposées par le gouvernement pour remédier à des maux si affreux ont à peine été discutées et n’ont pas même été combattues. Et cependant, de quoi s’agissait-il ? imposer au peuple anglais des charges dont on ne peut encore bien mesurer toute l’étendue, don-