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les limites extrêmes de leur domaine. On pouvait encore cotoyer les trois quarts de l’Australie, en remontant par le détroit de Torrès, sans rencontrer leur pavillon. La colonie du Port-Essington, créée au nord en 1838 sur la péninsule Cobourg, coupe cet espace en deux parties à peu près égales, et forme un centre d’où la Grande-Bretagne s’étendra commodément sur les côtes intermédiaires. Assez vaste pour abriter toutes les flottes du monde, la baie d’Essington était digne de voir s’élever sur ses bords la capitale de l’Australie septentrionale. La nouvelle ville de Victoria se trouve, comme Melbourne, trop éloignée de l’entrée de la baie ; il faut traverser une nappe d’eau de seize milles d’étendue avant d’aborder sous les canons de la batterie qui protégé la maison du gouverneur. Aussi, quand on aura mieux étudié la côte, une autre ville pourra jouer ici un rôle plus brillant et attirer à elle le commerce de la colonie. En attendant, Victoria possède déjà des constructions importantes : une église, un hôpital, un môle. Un terrible ouragan avait, en 1839, désolé la cité naissante, abattu les maisons à peine terminées, ruiné les travaux des colons. Les traces de ce grand désastre ont rapidement disparu ; les tombes de douze matelots du navire le Pelorus, qui périrent dans cette circonstance, en rappellent seules aujourd’hui le triste souvenir.

Autour de la plupart de leurs établissemens, les Anglais ont poussé des reconnaissances plus ou moins lointaines vers l’intérieur du continent austral. A Adélaïde, par exemple, les colons, désireux de connaître l’étendue du fertile territoire dont ils étaient les possesseurs, ont constaté, dès le principe, par une série de courses en sens divers, que les bonnes terres se trouvaient réunies en un bloc au lieu d’être disséminées comme sur d’autres points de la Nouvelle-Hollande. De hardis marchands désignés sous le nom d'overlanders, parce qu’ils font le commerce par terre entre Adélaïde et la Nouvelle-Galles du sud, se hasardent tous les jours dans des solitudes immenses. Ces expéditions aventureuses présentent mille dangers. Tantôt l’eau manque et les hommes sont réduits à boire le sang de leurs chevaux, tantôt la caravane s’égare dans les jungles et ne retrouve sa route qu’après des détours qui doublent la longueur du chemin. On doit à ces pionniers infatigables d’avoir déterminé les limites de l’Australie méridionale du côté des déserts qui la bordent vers le nord.

Toutes ces excursions se sont à peu près renfermées dans une même province, sans atteindre l’arène ignorée des régions centrales. Déjà pourtant, ce champ vaste et mystérieux, qui appellera long-temps l’esprit de recherche et d’aventure, a séduit des voyageurs jaloux d’attacher leur nom à une grande découverte. En 1840, M. Eyre, partant du fond du golfe Spencer, un peu à l’ouest d’Adélaïde, remonta vers le nord jusqu’à 4 ou 500 kilomètres. En 1845, M. Sturt pénétra