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profonde. La hausse du taux de l’intérêt, dans toutes les transactions, d’un bout du royaume à l’autre, va singulièrement entraver le travail. Beaucoup d’entreprises nouvelles auront été ajournées. Enfin, si on allègue que la Banque a dans son portefeuille autant d’effets qu’auparavant, on reconnaît aussi qu’elle n’admet plus que des effets à très courte échéance. Le rapport de la Banque publié il y a peu de jours dit que la moyenne des échéances des effets nouvellement escomptés n’est plus que de trente-trois jours. Cette disposition est par elle-même une très grande gêne pour l’industrie. Si vous réduisez d’un tiers l’échéance moyenne des effets, une masse égale d’effets escomptés représente de fait une avance d’un tiers moindre.

Tous les procédés que j’ai énumérés tout à l’heure, quelle qu’en soit la valeur relative, eussent été préférables à l’expédient dont la Banque s’est avisée. Il en est un autre, cependant, qui eût été plus topique encore et mieux accueilli dix public : je veux parler d’une émission de billets de 250 et surtout de 100 francs. Tout le monde s’attend depuis plusieurs années à les voir paraître. Le numéraire métallique actuellement nécessaire pour tout appoint de moins de 500 francs n’eût plus été réclamé que pour des transactions cinq fois moins importantes. On aurait par conséquent rendu sans usage beaucoup d’écus qui seraient venus se réfugier à la Banque, ou qui auraient été exportés à la place des espèces qu’on retire de ses caves pour solder les blés achetés au loin. L’émission de ces nouveaux billets à vue aurait pu être graduée sur le besoin d’espèces qu’aurait éprouvé la Banque. Je tiens à faire remarquer qu’elle ne serait aucunement incompatible avec celle des billets à échéance portant intérêt. Dans un moment tel que celui où nous nous trouvons, les deux sortes de billets se serviraient heureusement de complément l’une à l’autre. Après que, par l’apparition des billets de 250 et de 100 fr. une portion du capital métallique se trouverait hors d’emploi, les billets portant intérêt l’attireraient à la Banque.

Il faut donc conclure ainsi : la Banque, en présence de l’obstacle qu’elle rencontrait sur son chemin n’a pas adopté le parti le meilleur, elle a pris le pire. Peut-être la foi exclusive en eux-mêmes qu’ont l’habitue d’affecter les praticiens absorbés dans le détail, qui paraissent être nombreux dans les conseils de la Banque, en sera-t-elle ébranlée. Ils n’en resteront pas moins des hommes recommandables, dont cette grande institution sera toujours heureuse d’utiliser l’activité, la probité, la connaissance parfaite du terrain. Seulement ils auront appris à mieux apprécier les idées générales qui, dans cette matière, sont si claires, si simples et ont si bien reçu la sanction de l’expérience ; pour bien dire, c’est de l’expérience même qu’elles sont nées. Après la leçon qu’on aura reçue des événemens, on sera moins prompt à traiter avec un dédain superbe les théories et les principes, et, pour répéter un mot