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Des nivellemens faits avec le plus grand soin ont montré que la forme de la Camargue était celle d’une cuvette dont la partie la plus élevée est le bourrelet d’alluvions qui accompagne les deux bras du Rhône ; la partie la plus basse est le lit des étangs salés, dont le Valcarès est le plus considérable. L’étendue de ces étangs est de 15,000 hectares ; ils sont séparés de la mer par de petites dunes, et se tiennent ordinairement de 1 mètre à 1 mètre 25 centimètres au-dessous de son niveau ; leur profondeur n’atteint pas 1 mètre. Pour élever leur niveau de 1 mètre au-dessus de la mer, la hauteur moyenne de l’atterrissement devrait être de près de 3 mètres ; sur une étendue à peu près double, elle devrait être moyennement de 1 mètre. Le colmatage de la Camargue exigerait donc le dépôt de 750 millions de mètres cubes de terre à emprunter aux eaux troubles du Rhône. Le comte Fossombroni, dans les projets qu’il présentait au grand-duc de Toscane pour l’atterrissement des marais de l’Ombrone, évaluait au vingtième du volume des eaux celui de la vase qu’elles transportent dans les crues, et l’expérience a prouvé qu’il ne se trompait pas ; il n’a encore été fait à cet égard, il faut l’avouer, aucune expérience complète et satisfaisante sur les eaux du bas Rhône reconnaissons néanmoins dans l’existence même de la Camargue, dans la rapidité de la marche des alluvions à son embouchure, dans les immenses envasemens du golfe de Lyon, des preuves malheureusement trop certaines de l’abondance des limons qu’il charrie. Si le rapport était le même qu’en Toscane, une introduction de 60 mètres cubes d’eau par seconde dans les temps de crue donnerait par vingt-quatre heures un dépôt de plus de 250,000 mètres cubes, et il faudrait 3,000 jours pour opérer la totalité de l’atterrissement. Si l’expérience démontrait que le rapport est beaucoup moindre, on pourrait y remédier en multipliant les canaux d’alluvion ; le courant du Rhône est inépuisable ; quant aux niveaux respectifs des prises d’eaux et des émissaires, il n’est pas douteux que les différences n’en soient suffisantes, puisqu’à l’étiage le fleuve est, devant Arles, de 1 mètre 68 au-dessus de la mer, et que dans ses crues il s’élève de plusieurs mètres.

Ces grands travaux d’assainissement du territoire d’Arles et d’extension du sol arable fourniront de nouveaux alimens à la navigation, et ceci nous ramène à considérer, sous ce point de vue, l’état présent de la ville et l’avenir qui lui semble promis.

Depuis le temps où César trouvait à Arles les ressources nécessaires pour faire construire douze vaisseaux[1], le commerce maritime a toujours été l’une des principales sources de la prospérité de cette ville. Son port est aujourd’hui, par son tonnage, le dixième de France, et, à tenir compte des mouvemens sous pavillon français seulement, il

  1. Naves longas Arelate, numero duodecim facere instituit. (De Bello civili , I, 12.)