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En 1700, la commune comptait 10,500 habitans, et sa marine 2,300 hommes inscrits, dont 150 capitaines au long cours[1]. Aujourd’hui la population n’est plus que de 7,724 habitans ; l’inscription maritime, que de 1,003 hommes, dont douze capitaines. Le transport des marchandises s’effectue, au travers de l’étang de Caronte, sur des barques à fond plat de trente tonneaux ; encore faut-il, pour le franchir, saisir les momens où les marées de pleine et de nouvelle lune y jettent une tranche d’environ 5 décimètres d’eau.

Le lent exhaussement de la vase de cette lagune affecte jusqu’au régime hydrographique de la mer de Berre. Les courans s’établissent alternativement, en sens contraire, entre elle et la Méditerranée, et l’étang de Caronte sert tantôt à l’émission des eaux douces qu’elle reçoit de l’intérieur, tantôt à l’introduction des eaux salées du large. Depuis que la section de l’étang s’est sensiblement rétrécie, on remarque dans la mer de Berre un affaiblissement de salure très dommageable aux nombreuses salines qu’elle alimente, et, si l’on dit vrai, une aggravation de l’insalubrité qui affecte une partie de ses rivages : l’immense quantité de poisson qui s’y rend au printemps pour frayer paraît aussi diminuer, au grand préjudice de la pêche.

Tels sont aujourd’hui les effets physiques et commerciaux du travail de la nature. La négligence des hommes lui a laissé le champ libre ; mais leur industrie peut réparer en deux ou trois ans le tort de plusieurs siècles, et le moment est venu d’écarter les obstacles qui obstruent l’accès de la mer de Berre.

La loi du 3 juillet 1845 affecte à cette destination une somme de 2,800,000 francs. Un canal de 5,580 mètres de long, de 75 mètres 50 centimètres de large et de 3 mètres de profondeur à la basse mer va se creuser, au travers de l’étang de Caronte, du port de Bouc à la mer de Berre ; en traversant les Martigues, il s’élargira de manière à former un port de 5 hectares. Ces travaux, faits dans l’intérêt de la navigation, remédieront aux inconvéniens secondaires qui en accompagnaient la langueur ; les eaux et les navires circuleront par de larges émissaires, et la pêche, qui s’exerce aujourd’hui par l’interception des chenaux des Martigues au profit de quelques propriétaires oisifs, redeviendra, dans la mer de Berre, une industrie maritime et une école de matelots.

Quelques-uns ont voulu, dans l’intérêt de la marine royale, aller fort au-delà de ces projets. On a proposé de donner au canal de jonction 6 et même 9 mètres de profondeur, d’ouvrir ainsi la mer de Berre aux

  1. Enquête déposée aux archives de la chambre des députés.