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faites que pour le commerce d’un côté, pour la vie intérieure de l’autre. On reçoit d’ailleurs peu chez soi, et dans aucune ville de France on n’a si bien conservé l’usage qu’avaient les anciens de passer les journées sur la place publique. Les affaires se traitent sur les quais, en plein air. La beauté du ciel donne sur cette côte de la Méditerranée une fête perpétuelle à la terre, et les habitudes de la vie se sont formées sous cette heureuse influence.

La différence d’activité qui règne entre le port de Marseille et celui de Bordeaux[1] ne tient pas à la nature du sol ; le bassin du Rhône est très loin d’être aussi fertile que celui de la Garonne et ne produit rien qui soutienne la comparaison des vins de Bordeaux : elle tient moins encore à une supériorité intellectuelle quelconque ; on chercherait vainement en France une population plus heureusement douée que celle de la Gironde ; Bordeaux enfin n’occupe pas sur l’Océan une position commerciale beaucoup moins forte que celle de Marseille sur la Méditerranée. Les avantages de Marseille ne peuvent s’expliquer que par l’état de l’industrie et l’activité du travail dans le bassin du Rhône.

Supplanté pendant la guerre dans les marchés du Levant, le commerce de Marseille s’est tourné, dès les premiers jours de la paix, vers les industries productrices : il a amélioré celles qu’il possédait déjà, il en a créé de nouvelles et leur a demandé des objets d’exportation ; la, ville est devenue un grand atelier ; le département dont elle est le chef-lieu a élevé de nombreuses fabriques. Le commerce maritime a surtout grandi à mesure que la base territoriale de ses opérations a été mieux fécondée par le travail national ; il a fallu chercher alors à l’étranger des matières premières, et le pays a soldé avec ses produits les marchandises qui lui manquaient. Le travail agricole et manufacturier a multiplié les moyens d’échange autour de soi ; voilà tout le secret d’une prospérité qui croît de jour en jour, tandis qu’avec des avantages naturels fort supérieurs, d’autres contrées demeurent stationnaires. Nîmes, Avignon, Alais, Vienne, la Voulte, Givors, Rive-de-Gier, Saint-Étienne, Annonay, Tarare, Lyon, sont des villes où se déploie une extrême activité. Autour d’elles, les mines s’excavent, les usines se pressent, les ateliers retentissent du bruit des machines : ici l’on file le coton, la laine et la soie ; plus loin on les teint et on les tisse ; là fument les hauts fourneaux, les forges, et le verre prend mille formes variées. La Bourgogne et la Franche-Comté apportent sur ce marché intérieur un large contingent. A Marseille et aux alentours, les salines, les manufactures de savon, de produits chimiques, les huileries, les minoteries, s’offrent de tous côtés à la vue ; en un mot, les travaux qui s’effectuent

  1. Le mouvement du commerce extérieur a été en 1845à Marseille, de 1,303,706 tonn., à Bordeaux, de 278,720.