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pressent[1], que ces forêts, malgré leur abondance, ne peuvent suffire à tous les besoins. Aussi arrive-t-il presque tous les ans que plusieurs usines sont forcées de se mettre en chômage, faute d’avoir pu trouver le combustible nécessaire pour leur travail.

Cette extrême cherté du combustible végétal explique, ce qui sans cela paraîtrait inexplicable, comment le groupe de Champagne est l’un des premiers qui aient adopté, sur le continent de l’Europe, l’emploi du combustible minéral, au moins pour la conversion de la fonte en fer forgé. Cependant la houille y est relativement tout aussi chère que le charbon de bois. La plus grande partie de celle qu’on y consomme est tirée des mines de Sarrebruck, en Prusse, d’où elle est amenée jusqu’à présent par charretage à une distance de quarante lieues. Malgré le bas prix de cette houille sur le carreau des mines, et quoiqu’elle ne soit encore que de médiocre qualité, maigre et toute composée de menu, elle coûte en moyenne, rendue dans les usines, 5 fr. 50 cent. et 6 fr. les 100 kilogrammes. C’est cinq fois plus que le même combustible ne coûte dans le groupe des houillères du nord, et sept ou huit fois plus que dans le groupe des houillères du sud. Ces houilles de Sarrebruck ne servent guère pourtant que dans une des opérations des forges, le puddlage ; pour les chaufferies, on est obligé d’avoir recours aux houilles de Saint-Étienne, qui, venues par eau jusqu’à Gray, sont de là transportées également par charretage jusqu’aux usines, où elles reviennent, en moyenne, à 6 fr. 50 cent. ou 7 fr. les 100 kilogrammes.

« C’est avec de telles difficultés, dit M. Rigaud de la Ferrage dans l’important mémoire que nous avons déjà cité, que, grace au peu de frais des autres parties de la fabrication (et il faut ajouter : grace à l’économie que les maîtres de forges de cette contrée ont su apporter dans l’emploi du combustible), les fers de Champagne repoussent, par leur prix, sur les marchés, les fers laminés des pays houillers. Lorsque les nouvelles voies de communication seront terminées, et que, par leur moyen, les houilles pourront venir aisément dans ces départemens, elles s’y trouveront réduites à 25 fr. les 1,000 kilogrammes. Ce sera un changement suffisant pour que nulle forge de ce pays ne craigne plus alors qu’on lève toute prohibition et tous droits sur les fers étrangers[2]. »

Tel est le groupe de forges qu’on a presque toujours en vue quand

  1. Cent soixante-treize pour tout le groupe, qui n’est pas très étendu.
  2. Situation des Forges de France et de Belgique, par M. H. Rigaud de la Ferrage, ancien ingénieur des établissemens de mines, hauts-fourneaux, usines et laminoirs de Marcinelle et Couillet, près de Charleroi (Belgique), directeur-gérant des forges, fonderies et laminoirs d’Anzin. — Nous citons ce mémoire avec d’autant plus de confiance, qu’après avoir été inséré dans les Annales des Mines, il en a été extrait et publié à part par ordre de M. le directeur-général des ponts-et-chaussées et des mines.