Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle n’avait encore obtenu des faveurs toutes spéciales sur les marchés de la France et du Zollverein allemand.

Comment, d’un autre côté, n’être pas frappé de cette circonstance, qu’au sein même de la France, des usines si diversement partagées luttent à peu près à armes égales ? Entre la situation des forges de la Champagne et celle des forges qui appartiennent au groupe des houillères du nord, la différence est grande, comme on l’a vu, au moins quant à l’emploi du combustible. Si les premières ont à payer des prix exorbitans, et ne peuvent pas même, à ces conditions, augmenter à volonté leur travail, pour en diminuer d’autant les charges, les autres sont au contraire, en tout cela, particulièrement favorisées. Dans cet état de choses, ne semblerait-il pas que la concurrence des producteurs du nord devrait être mortelle pour les producteurs de la Champagne ? Au lieu de cela, elle ne leur est pas même gênante. Faut-il croire au moins que les premiers recueillent des bénéfices exceptionnels, tandis que les autres souffrent ? Non, aucune différence sensible ne se remarque dans les résultats obtenus : les bénéfices sont à peu près les mêmes des deux côtés. C’est qu’en Champagne, seule contrée de la France où la nécessité des perfectionnemens se soit fait sentir dans une certaine mesure, on en a du moins tenté quelques-uns, tandis que dans le nord, comme ailleurs, on s’est contenté de jouir des avantages naturels qu’on possédait, sans rien faire pour les étendre et pour les féconder.

On a beau s’extasier tous les ans sur les prétendus progrès de notre industrie métallurgique : elle en a fait quelques-uns : qui en doute ? Avec cela, elle n’en est pas moins encore, relativement à certaines industries étrangères, dans un état voisin de l’enfance. L’emploi du combustible, question vitale pour la France, y est presque partout, excepté en Champagne, mal organisé et mal conduit. Les laminoirs, qui sont d’un si grand secours pour abréger le travail, qui apportent dans la fabrication des économies si grandes, et dont l’usage est universel en Angleterre et en Belgique, n’y sont encore adoptés que par exception. La partie mécanique y est presque partout, sauf dans quelques établi semons qu’on cite, ou barbare, ou nulle, et là même où cette partie a plus d’importance, les moteurs et les communications de mouvemens sont en général si anal ordonnés, qu’ils feraient reculer d’effroi un contre-maître anglais. Voilà comment cette industrie ne profite pas même des faveurs coûteuses qu’on lui accorde. Voilà comment les millions de la France vont s’engloutir en pure perte dans ce gouffre toujours béant.

De tout ce qui précède, que faut-il maintenant conclure ? Si on considère l’industrie française dans ses conditions générales, elle est, sous le rapport du combustible, moins bien partagée que les industries anglaise