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la guerre avec l’Amérique, et je suis convaincu qu’il a raison, dit l’un. — Le Chronicle assure, réplique l’autre, que ce qui nous est parvenu n’est pas le rapport du congrès, mais celui d’un comité particulier. Ainsi nous n’aurons pas de guerre ; comptez là-dessus. — Savez-vous, dit quelqu’un, les sommes énormes que dépense le Times pour sa correspondance étrangère ? — Je ne crois pas un mot de ce que dit le Times, reprend quelque autre. Rien de plus divertissant que de lire le compte-rendu d’une même réunion dans deux journaux de couleur différente. Vous n’y trouvez rien de semblable. Les orateurs de leur propre parti ont toujours été écoutés avec la plus profonde attention ; leur opinion avait pour elle une imposante majorité. Quant aux orateurs du parti contraire, ils n’étaient pas supportables, et leur opinion n’avait qu’un petit nombre de représentans. »


Le voyageur indien flétrit avec non moins de verve la vénalité des électeurs. Après avoir parlé des bourgs-pourris et de la réforme, il remarque que, les partis ayant désormais une représentation à peu près égale en nombre, la majorité dépend souvent d’une dizaine de voix. Pour les avoir, on trouve tout naturel de les acheter. Alors il y a non pas seulement vente à l’amiable, mais enchère presque publique. Certains électeurs prudens ne se pressent pas de voter ; ils attendent l’heure du jour où une vingtaine de suffrages doivent décider du sort de l’élection : alors le prix s’élève, les consciences sont cotées jusqu’à trente, quarante et même cinquante livres sterling la pièce (750, 1,000 et 1,250 fr.).

Les jeunes Indiens lisaient beaucoup, écoutaient plus encore. Leurs renseignemens sur la formation de la chambre haute sont d’une exactitude piquante. Après avoir constaté avec leur sollicitude ordinaire le nombre des princes, des ducs, des marquis ; des barons qui la composent, ils nous montrent tous les ruisseaux plus ou moins purs qui ont concouru à en remplir l’enceinte. Les premiers pairs furent les grands vassaux que le roi convoquait sous sa bannière. L’honneur de la pairie fut conféré dans la suite à des titres bien divers. — Un député est-il embarrassant dans la chambre des communes, adresse-t-il sans cesse au ministère de fâcheuses interpellations, on le précipite dans la chambre haute. Un ministre, est-il importun à ses collègues, on le force à lâcher prise et on l’exile dans la pairie. Cet honneur toutefois n’est pas toujours un châtiment. Comme le gouvernement a besoin d’avoir aussi dans la noble chambre des amis ou du moins des suffrages, dès qu’on découvre, par exemple, un avocat ambitieux, à l’échine souple, à la langue affilée, prêt à recevoir en toute circonstance le mot d’ordre du ministère, aussitôt, en dépit de ses rustres aïeux, il devient une seigneurie.

Les parsis furent curieux de voir fonctionner de près cette machine politique dont ils avaient analysé les ressorts. On les introduisit dans une