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Telle du roi des rois nous ont prédit l’étoile ;
C’est lui que nous cherchons. Les livres des vieux temps
Témoignent aux yeux purs, en termes éclatans,
Qu’un sceptre doit fleurir dans l’heureuse Judée,
Par qui la terre entière un jour sera guidée.
Dites-nous la cité, le palais triomphal
Où, dans son berceau d’or, sourit l’enfant royal,
Pour qu’à ses pieds divins Saba, Suze et Palmyre
Présentent par nos mains l’or, l’encens et la myrrhe. »

Tel le sage Orient, dont l’esprit garde encor
Des leçons de l’Eden le mystique trésor
Et du livre des cieux interprète les pages,
Vient demander un dieu par la voix de ses mages.

D’abord paisible et sûr de son éternité,
Le roi fronce bientôt un sourcil irrité.
Il demande à la fin ses docteurs et ses prêtres ;
Et ceux-ci : « Nous lisons au livre des ancêtres :
— « Bethlêm, dont les enfans seraient bientôt comptés,
« Tu n’es pas dans Juda la moindre des cités ;
« Sois joyeuse ! en ton sein naîtra le chef auguste
« Qui régira Sion sous une loi plus juste. » -
Donc, ô roi ! dans Bethlêm, au gré des imposteurs,
Un enfant peut grandir sous des signes menteurs ;
Toi, pour garder la paix à ton peuple tranquille,
Tiens l’œil de ta vengeance ouvert sur cette ville. »

Et, du maître sondant l’impénétrable front,
Ils regardent germer le vœu qu’ils flatteront.

Le roi se tait. Nul œil encore n’a vu poindre
La crainte sur sa face et la fureur s’y joindre ;
Devant l’arrêt sacré qu’il veut tenir pour vain,
Le trouble de son cœur se masque de dédain.

Mais, dès le livre clos, un serviteur sinistre
Se lève, des soupçons insidieux ministre :
« O roi ! ceux qui, veillant par un zèle assidu,
Vont écoutant pour toi dans l’ombre, ont entendu
D’étranges bruits gronder parmi les multitudes :
Voix qui percent les murs des prisons les plus rudes ;
Voix d’ouvriers rétifs expirant sous le fouet,