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garde contre les gens de loi, n’aura plus signé qu’à bonne enseigne les procurations de la communauté.

Même aventure, ou peu s’en faut, mit l’honnête M. Barclay à deux doigts de sa ruine. Associé dans une maison de commerce, et désirant soustraire ses capitaux à l’instabilité des spéculations, il trouva sur sa route l’occasion éminemment séduisante d’un placement territorial à 25 pour 100. C’était un terrain admirablement situé, sur la côte, à peu de distance de Londres, et dans le voisinage d’une petite ville où il était allé prendre les bains de mer. Des plans déjà dressés pour le propriétaire actuel de ce terrain si précieux établissaient les immenses avantages qu’on trouverait à y construire une douzaine de maisons de plaisance, bonnes à louer, meilleures à vendre. Barclay, à qui l’affaire était adroitement présentée, la jugea magnifique, et la conclut en toute hâte. Les paroles échangées, et sur une simple promesse de réaliser la vente, il paya partie du prix, manda les architectes et les maçons, déblaya, creusa, bâtit… et ne fut pas médiocrement surpris, lorsque, son vendeur étant mort, une nuée de créanciers hypothécaires vint s’abattre sur cette terre qu’il croyait avoir définitivement acquise, sur ce gage qu’il avait si bénévolement amélioré. A la vérité, il avait son recours en garantie contre les héritiers du stellionataire ; mais leur biens, préservés par une clause dotale et placés sous la garde d’un trustee[1], demeuraient à l’abri de pareilles réclamations. Par bonheur, M. Barclay avait une fille, et miss Barclay un prétendu non moins généreux que l’héritière du conte précédent. Le mariage, encore une fois, vint tout arranger. Vous voyez que la formule ne change guère.

Si nous plaignons M. Barclay, que dirons-nous du major Barrington, la dernière et la plus intéressante de ces victimes de la rouerie judiciaire que fait passer successivement devant nous l’auteur des Contes d’un avocat ? Épris d’une jeune héritière, pupille du vieil Overley, le major Barrington a pour rival le fils d’Overley lui-même, appuyé par les autres membres de la famille. Il l’épouse cependant, mais il reste veuf après quelques années de bonheur. Deux trustees administrent l’héritage de sa femme. L’un d’eux, — le vieil Overley, — étant venu à mourir, la prudence conseillerait de le remplacer ; mais, en toute rigueur,

  1. Voici l’explication du mot trustee. Dérivé de trust, confiance, il signifie, — suivant M. Bailey, dont le dictionnaire, trop peu connu, traduit très fidèlement et très naïvement les termes légaux, — « quelqu’un qui a dans ses mains un domaine ou de l’argent pour l’usage d’un autre, » en un mot un tuteur réel, un dépositaire garant. L’époux survivant, usufruitier de la fortune conjugale, est ordinairement soumis, par les clauses du contrat de mariage, à cette espèce de tierce-gestion. Un trustee, — quand on n’en a pas nommé deux ou trois, selon l’occurrence, — touche pour son compte les revenus, et veille à la conservation des capitaux.