Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/1134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excessive de la loi. Aussi a-t-on été contraint d’atténuer ces dispositions pénales, qui allaient directement à l’encontre du but que s’était proposé le législateur. Le rôle des trustees eux-mêmes, et leur intervention fréquente dans les affaires de famille chez nos voisins, mérite aussi quelque attention. Il n’est pas rare, en Angleterre, de voir immobiliser ainsi, par avance, soit des capitaux engagés dans les fonds publics, soit des valeurs industrielles de tout ordre. La dot d’une femme est confiée très souvent, non pas à son mari, mais à deux ou trois garans de cet ordre qui en touchent les revenus, prélèvent là-dessus la pension de toilette (pinmoney) stipulée au profit de la femme, et remettent le surplus au mari. Cette administration de la dot par des tiers continue après le décès de la femme, et, si quelque enfant naît du mariage, jusqu’à la majorité de cet enfant, dont le père ne conserve ainsi que la tutelle morale. Que certains avantages, dont notre code civil devrait nous faire jouir, soient attachés à l’emploi de ces administrateurs responsables, c’est ce que prouve assez le grand nombre de cas où l’on a recours à eux. Que ces avantages soient compensés par de grands risques, c’est ce qui se pressent aisément, et ce qu’a voulu prouver l’auteur des Contes d’un Avocat.

On pourrait regretter qu’il n’eût pas songé à mettre en lumière, à sa façon, les abus de la procédure criminelle, si un autre écrivain n’était venu combler presque aussitôt cette lacune importante. Dans un roman dont l’auteur, resté anonyme, n’en a pas moins obtenu les éloges de la presse (A Whim and its Consequences), plus d’un demi-volume est consacré à raconter minutieusement tous les détails d’un procès pour meurtre. Consultations et préliminaires de toute espèce, physionomies de juges et d’avocats, débats publics et plaidoiries, bref, toutes les phases de ce curieux duel qui s’engage entre l’accusation et l’accusé y sont exposées par un homme qui très certainement, de manière ou d’autre, s’est trouvé à même de noter et les lacunes de la loi et les principaux vices de l’administration judiciaire. Il nous fait apprécier la bizarrerie de cette escrime savante, de ces parades et flanconnades secundum artem, que les magistrats et le défenseur emploient tour à tour, les uns pour constater, l’autre pour obscurcir la vérité la plus palpable et la plus évidente. Il faut la dégager à grand’peine d’allégations et de dénégations également chimériques ; il faut, par mille stratagèmes, établir légalement ce qui est, à première vue, incontestable pour tout homme de sens commun. Et ce qui jette sur ce curieux conflit un reflet odieux, c’est que l’accusation est tenue de réclamer contre l’accusé les peines les plus terribles dans les termes de la plus tendre commisération. Le glaive de Thémis, à demi caché sous les pans de sa robe, n’apparaît qu’au dernier moment du drame. C’est, selon