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En visitant le sein du bourgeon qu’il féconde.
Ainsi, moi, précurseur d’un baptême nouveau,
Pour vous purifier je vous plonge dans l’eau ;
Mais, comme un grand soleil nécessaire à la vigne,
Un autre va venir, dont je ne suis pas digne
De toucher la sandale, et dans l’esprit de Dieu
Il vous baptisera du baptême de feu ;
Sa flamme au sang d’Adam rendra toute sa force,
A la sève ascendante il ouvrira l’écorce,
Afin que le vieux cep que le père a planté
Donne au saint vendangeur le fruit de charité. »


V.


Jusqu’alors confondu dans le peuple en prières,
Et simple comme un frère au milieu de ses frères,
Un homme au front pensif, mais sans austérité,
Se lève et vient s’offrir, si divin de beauté
Qu’une lueur paraît émaner de sa face,
Et que les yeux émus s’humectent quand il passe.
Un sourire aperçu de tout être innocent
Attire à lui les cœurs d’un attrait tout-puissant ;
Les tout petits enfans, pareils encore aux anges,
De son manteau d’azur viennent baiser les franges,
Et de ses cheveux blonds les oiseaux soupçonneux
De l’aile en se jouant touchent l’or lumineux.
Il marche ; aux pieds de Jean à son tour il s’arrête,
Au baptême commun il tend déjà la tête ;
Voilà qu’un grand frisson saisit, à son aspect,
Le baptiseur courbé de crainte et de respect ;
Il refuse et lui dit : « Ah ! Seigneur, c’est vous-même
De qui j’implore ici le don du vrai baptême ;
Je baptise dans l’eau, maître, et vous dans l’esprit. »
Mais celui-ci : « Faisons ce que Dieu nous prescrit. »
Jean cède, et de sa main sur l’homme pur s’écoule
La même eau qui lavait les péchés de la foule.
Et dès qu’au bord du sable ont paru, hors de l’eau,
Les pieds étincelans du baptisé nouveau,
Voilà que le ciel s’ouvre, un large éclair en tombe,
L’Esprit de Dieu descend sous forme de colombe,
Une voix dit dans l’air, où la splendeur a lui :
« C’est mon fils bien-aimé, je me complais en lui. »