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Walter Crum, l’un des chimistes fabricans les plus distingués de l’Angleterre, veulent la rattacher à l’existence assez problématique de pores et de cavités ; les autres, suivant l’opinion émise, à la fin du dernier siècle, par Bergmann et Dufay, et adoptée par Berthollet, croient à une action purement chimique. M. Persoz, par ses beaux travaux scientifiques sur les matières colorantes et ses connaissances pratiques, était naturellement préparé à reprendre la discussion. Combattant vivement les partisans de l’adhérence mécanique, il est venu étayer, de considérations le plus souvent industrielles et expérimentales, l’opinion contraire, à laquelle M. Chevreul avait déjà apporté, dans le Dictionnaire technologique, l’autorité de ses recherches sur l’art de la teinture.

Quoi qu’il en soit, eu égard au mode d’application sur les étoffes, les couleurs se divisent en deux grandes catégories : celles qui se fixent par elles-mêmes, c’est-à-dire qu’il suffit d’étendre comme une couche de vernis, pour qu’en se desséchant elles adhèrent aux tissus ; celles qui exigent le concours préalable d’un auxiliaire dit mordant, destiné à les relier aux étoffes par son intervention. Ces agens, parmi lesquels l’alun est le plus fréquemment et aussi le plus anciennement employé, ne manifestent pas toujours leur présence de la même manière. Tandis que les uns ne font éprouver aux couleurs que de légers changemens de nuance, les autres les modifient complètement et différemment en proportion de la quantité de mordant dont on a fait usage. Il ne suffirait pas d’avoir mordance une étoffe par un simple passage dans un bain préparé, si cette opération n’était suivie d’une seconde, dite fixage du mordant, et qui consiste essentiellement à faire passer le tissu dans un nouveau bain d’une composition convenable. Ainsi qu’on le prévoit, dans les deux cas, les couleurs sont amenées à l’état liquide par l’intermédiaire de certains vernis. En outre, lorsqu’elles doivent être appliquées sur les étoffes, suivant des contours déterminés, comme il arrive pour la formation d’un dessin, il est nécessaire de leur donner un certain degré de viscosité pour les empêcher de s’étendre sur les parties voisines. La solution de ce problème, assez difficile eu égard à de nombreux élémens dont il faut tenir compte, s’obtient au moyen d’accus dits épaississans, dont les plus usuels sont l’amidon et la gomme.

Avant d’aller plus loin dans cet exposé des notions générales de l’impression des tissus, il convient de dire que l’étoffe elle-même a dû être préalablement l’objet de diverses opérations, sans le secours desquelles les meilleurs procédés de l’art de la teinture ne produiraient que des résultats incomplets. Quels que soient, en effet, les progrès obtenus dans la filature des fibres textiles du coton, du lin, du chanvre, de la laine et de la soie, qui servent à la confection des divers tissus, il est impossible de se procurer des fils complètement dépourvus de duvet. Ce duvet, qui recouvrira les étoffes après leur tissage, a tout d’abord le fâcheux effet de ternir notablement les couleurs, quelle qu’en soit d’ailleurs la vivacité. D’autre part, les brins de fils et les nœuds formés pendant la fabrication empêchent, en se rabattant sur le tissu durant l’impression, les parties ainsi masquées de recevoir la couleur ; ils se relèvent ensuite et les font apparaître en autant de points blancs. On conçoit, dès-lors, la nécessité de procéder à ce qu’on nomme le rasage en terme de fabrique. Deux genres de moyens, spécifiquement appelés tondage et flambage, sont ordinairement employés pour raser les tissus. Le tondage, anciennement fait à la main par des femmes armées de ciseaux courbes, s’opère maintenant à l’aide d’une admirable