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millième d’argent. Leurs hommes d’état disent, non sans raison, que l’Espagne tirerait un bien meilleur parti de ses mines d’Almaden, si elle négociait avec le Mexique un traité de commerce avantageux pour les fabriques de la Catalogne, et pour les vignobles de la Péninsule, sous la condition que le mercure serait livré aux mineurs mexicains au prix du régime colonial. Il est certain que le gouvernement de la Péninsule possède dans ses mines de mercure un moyen d’action dont il ne paraît pas soupçonner la puissance sur ses ci-devant colonies.

Le haut prix du mercure est ici la grande préoccupation du mineur. Il s’y mêle le dépit qu’éprouve naturellement l’homme quand il voit son prochain s’enrichir à ses dépens par le seul effet de la spéculation, et ce sentiment est vif chez les races méridionales, vif jusqu’à la passion, quand ce prochain est un étranger. Le Mexicain se rappelle avec amertume l’ancien prix qui donnait des bénéfices à la couronne d’Espagne et qui n’était que le tiers du prix actuel. Si l’on dépensait activement, contre les autres causes qui enchérissent la production de l’argent et particulièrement contre la barbarie des dispositions mécaniques, la moitié de l’ardeur qu’on emploie à se consumer soi-même à propos du monopole du mercure, on aurait vite retrouvé et au-delà le tribut qui va s’engloutir dans les coffres-forts des détenteurs de ce métal ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que la pensée des producteurs d’argent se concentre sur le mercure. De tout temps ce fut le grand souci des mineurs mexicains. « Le Mexique et le Pérou, écrivait, il y a quarante ans, M. de Humboldt produisent en général d’autant plus d’argent qu’ils reçoivent plus abondamment et à plus bas prix le mercure. » La répartition du mercure par les agens du roi entre les exploitans était alors comme la distribution de la manne dans le désert. Le pouvoir de distribuer l’approvisionnement annuel de mercure, au nom de la couronne, était, de toutes les attributions du vice-roi, celle qui excitait le plus d’envie au dehors et lui attirait le plus d’hommages au dedans. C’était, comme chez nous dans l’ancien régime, la feuille des bénéfices. Les ministres de Madrid disputaient cette prérogative aux vice-rois de Mexico, et ceux-ci avaient besoin de se sentir fortement appuyés en cour pour tenir bon. On eût dit que ce métal possédait la puissance, que lui avaient attribuée les alchimistes, de transmuter en argent les substances minérales. Le bruit court qu’il y a du mercure en Chine ; vite le vice-roi Galvez organise une expédition comme celle des Argonautes pour aller l’y chercher. Le mercure de la Chine se trouva frelaté, peu abondant et fort cher ; on n’y revint plus.

En cela, on a eu tort. Les renseignemens d’après lesquels on avait supposé que la Chine pouvait fournir au commerce beaucoup de mercure ont été corroborés par des informations plus récentes. Le mercure