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on sentira que des compagnies à la hauteur de leur mission, puissantes par le capital et la science pratique, comme par leurs généreuses sympathies pour les ouvriers, s’organiseront bien difficilement, si le gouvernement français, à l’exemple de la vieille Hollande, ne se fait pas un devoir d’en provoquer la formation.

A notre point de vue, il n’est pas nécessaire que le gouvernement prenne une part directe à l’œuvre de la colonisation ; cependant il aurait à remplir un rôle de telle importance, que, sans lui, le succès serait douteux. Son intervention serait morale et tutélaire. Sans engager le trésor, sans se faire industriel, il deviendrait le promoteur des entreprises destinées à lancer la spéculation. Étant admis le genre d’exploitation que nous avons indiqué, et que des négocians habiles perfectionneraient sans doute, le premier soin serait d’en faire comprendre le mécanisme au pays par tous les moyens de publicité dont on dispose. Pour attirer l’argent dans les colonies, le gouvernement hollandais, avons-nous dit, faisait étudier commercialement certaines opérations, et publiait le devis des dépenses et recettes, de telle sorte que les spéculateurs métropolitains vissent d’un coup d’œil s’ils devaient engager leurs fonds. Ainsi pourrait-on faire pour l’Algérie. Les plans de diverses entreprises basées sur des cultures spéciales, répandus parmi les personnes intéressées à chaque nature de produits en raison de leur spécialité industrielle, détermineraient assurément un mouvement de capitaux. Que l’on démontre par exemple aux riches manufacturiers qui travaillent le coton que, par l’établissement d’une cotonnière en Afrique, ils auraient le double avantage de multiplier la matière première et de bénéficier comme bailleurs de fonds ; ils réuniront certainement entre eux le capital nécessaire aux premières expériences. L’Algérie a besoin de bras autant que d’argent. Les cultivateurs français sont peu attirés vers l’Afrique, non pas, comme on le dit, parce qu’ils sont casaniers, mais parce qu’ils ont des motifs de défiance fort légitimes. Il est difficile qu’un spéculateur isolé les détermine à s’expatrier ; pour y consentir, il faudrait qu’ils se sentissent sous la tutelle de la conscience publique. L’intervention morale du gouvernement devient encore nécessaire pour les rassurer. On pourrait répandre dans les ateliers et dans les fermes de petites instructions destinées à bien faire comprendre aux ouvriers le régime institué à leur avantage, et surtout les garanties qu’ils trouveraient dans la surveillance de l’autorité. Il serait bon d’ouvrir en même temps des registres d’enrôlement dans les mairies du royaume et d’organiser les moyens d’information nécessaires, afin que les compagnies à former pussent se recruter facilement et faire de bons choix. Il nous semble impossible qu’en montrant d’une part, aux ouvriers, de grandes facilités d’existence garanties par la tutelle du gouvernement, on ne trouve pas de bras, et, d’autre