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de province, et, moyennant un prix convenu, leur envoie le superflu de ses malades. Cette mesure nous paraît grosse d’inconvéniens et de dangers ; elle a été jugée telle par l’élite du corps médical, qui l’a sourdement combattue. A ne juger ici cette décision qu’en ce qui touche les idiots, nous dirons qu’elle est défavorable à ces malheureux et dangereuse pour la société. Les imbéciles que l’administration envoie en pension chez des fermiers iront reproduire dans les campagnes les caractères de leur triste état ; c’est un levain d’infirmité morale qu’on verse dans la population agricole. Ceux qui connaissent les mœurs des imbéciles n’osent même pas songer à toutes les suites de cette mesure inhumaine. Les pauvres filles de la Salpêtrière, plus faciles que d’autres à la séduction, faute de lumières et de savoir-vivre, ont besoin d’une surveillance continuelle qui leur manquera certainement hors de l’hospice. L’administration devrait au contraire tourner sa sollicitude vers les provinces de France où l’idiotisme et l’imbécillité sont, pour ainsi dire, endémiques. L’action du mariage sur la durée et la propagation des infirmités de l’esprit, dans les localités où se rencontrent des germes altérés, ne saurait être raisonnablement mise en doute. Fodéré croit qu’un premier goitreux a donné naissance à cette population de goîtreux et de crétins qui occupent toutes les vallées étroites situées sous la chaîne des Alpes. C’est à empêcher de telles alliances que devrait tendre, dans certaines localités, la prévoyance de l’administration. L’intérêt public exige même qu’au lieu de faire refluer sur les provinces les imbéciles et les idiots de nos hospices, Paris les attire et les concentre dans des établissemens charitables pour en éteindre la race. Ce serait un premier moyen de combattre, parmi les causes de cette infirmité morale, celles qui agissent sur la conception. Les notions de l’hygiène publique, en se répandant même dans les populations rurales, concourront encore à déterminer cet heureux résultat.

Des mesures qui peuvent combattre les causes physiques de l’idiotie, il faut passer à celles qui peuvent lutter contre les influences morales. Les progrès de la civilisation exercent-ils une action sur l’état intellectuel des enfans nouveau-nés ? Le nombre des idiots tend-il à diminuer ou à s’accroître ? La statistique positive de l’idiotie est encore trop dans l’enfance pour qu’on puisse répondre à cette question par des chiffres ; il faut donc le faire par des raisonnemens. La seule observation que nous ayons pu recueillir est celle-ci : l’idiotie habite les deux extrémités de l’échelle sociale : elle frappe surtout les classes qui sortent de l’état d’enfance et celles qui y rentrent, le peuple et l’aristocratie. Ce fait doit nous mettre sur la trace d’une grande loi de philosophie naturelle : la matière humaine est perfectible ; les caractères naturels ou acquis de la supériorité de race s’élaborent sous l’action du temps et des circonstances extérieures. Il en résulte que les infirmités humaines