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a, s’écriait-il devant cette assemblée, il y a des idiots dans nos bagnes et dans nos maisons centrales de détention. Je demande qu’on rende l’honneur à leurs pères, à leurs mères ; je demande à aller les chercher, à les amener dans cette enceinte, à les livrer à vos lumières et à vos sentimens généreux, à les arracher du poteau de l’infamie et à les placer dans l’hospice dont j’ai l’honneur d’être le médecin en chef : j’y prendrai soin de leur misère. » Il y aurait quelque chose de mieux encore, ce serait d’atteindre ces malheureux avant leur chute, d’épargner à la société, à eux-mêmes, la liberté de mal faire. Nous entrerions, il est vrai, dans un système préventif qui a ses dangers. On accuserait peut-être l’administration de violer, dans plus d’un cas, la liberté individuelle et le secret des familles. Aussi n’indiquons-nous cette voie que comme un moyen éloigné et délicat d’arriver à réagir un jour sur les entraînemens funestes d’une demi-imbécillité.

L’étude des causes et des formes de l’idiotie, la marche de cette infirmité décroissante, la revue des travaux plus ou moins heureux qui ont été entrepris jusqu’à ce jour, tout nous amène à une conclusion rassurante, tout nous dit : L’idiot est un être capable d’éducation. La médecine philosophique doit ouvrir et tracer la voie à cette éducation spéciale. En attendant que des expériences plus concluantes aient permis d’adopter à cet égard un système définitif, que faut-il faire dans les hospices et hors des hospices pour améliorer, dans l’état actuel des choses, le sort des faibles d’esprit ? Nous croyons qu’on doit suivre l’exemple donné dans ces derniers temps par l’hospice de Bicêtre. Il existe dans cette maison une école où tous les enfans plus ou moins disgraciés par la nature viennent réparer le vice originel de leurs organes. Il est à désirer que cette fondation s’étende aux autres établissemens charitables. Nous demandons qu’on fasse lever le soleil de l’éducation pour ces pauvres intelligences qui se traînent lamentablement dans les ténèbres de la mort.

Le traitement moral de l’idiotie, avons-nous dit, est encore à créer. Il existe toutefois dans les méthodes inventées depuis Itard, dans les découvertes de la science médicale unies à une analyse raisonnée des facultés de l’entendement humain, les élémens d’une théorie nouvelle de l’éducation pour les idiots et pour les imbéciles. L’enseignement des idiots ne doit point être un enseignement ordinaire. L’expérience a démontré que ces êtres inférieurs se montrent indifférens aux méthodes qui ne reposent point sur une base physiologique. La gloire d’Itard est d’avoir compris la nécessité d’une éducation proportionnée aux moyens de l’élève. Si la méthode est demeurée jusqu’à ce jour vague et indécise, c’est qu’on n’avait pas classé encore les différens caractères de cette infirmité. La connaissance des degrés de l’idiotisme, la comparaison de ces divers degrés avec l’état de l’homme sauvage, avec le règne animal et avec la succession des faits embryologiques,