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n’avaient pas, en écus, plus d’un demi-milliard en 1835, à une époque de grande prospérité. Rien n’est moins sage que de conserver une aussi grande partie de la richesse mobilière de la France sous une forme sujette à la dépréciation.

Lors même que le danger d’une forte dépréciation de l’argent ne serait pas nettement visible à l’horizon, il serait encore fort désirable que des mesures fussent prises pour restreindre la masse de numéraire que retient la France ; car, si 1,500 millions devaient suffire à l’accomplissement de toutes nos transactions, les 1,500 millions de surplus sont pour le pays un placement stérile. Ils n’ajoutent rien à la richesse de la France, pas plus que s’ils étaient, à cent pieds sous terre ou au fond de la mer. Remplacez ces 1,500 millions d’écus par des machines perfectionnées pour les manufactures, ou par de bons outils agricoles, et l’impulsion nouvelle qu’en recevra la richesse publique sera admirable. Dans un temps où il y a tant de mains intelligentes pour utiliser tout capital disponible, il y a une sorte de sacrilège à laisser ainsi improductive une somme de cette importance.

Après des raisons aussi fortes, il y a des motifs moindres pour que les gouvernemens européens, et le gouvernement français plus qu’un autre, portent leur attention sur l’inconvénient d’accumuler chez soi une grande quantité d’argent. Un droit assez élevé est perçu par les gouvernemens américains sur l’exportation de ce métal. En ces temps où, dans les discussions d’économie politique, on parle beaucoup, à tort et à travers souvent, de tribut payé à l’étranger, il nous semble que c’en est un cette fois qui est bien constaté, et il est bon de s’y soustraire autant qu’on le peut.

Comment faire pour restreindre cette masse d’écus qui menace la France d’une perte énorme pour une époque que les événemens peuvent rendre plus ou moins prochaine ? Pour avoir moins de numéraire métallique chez soi, pour se réduire sous ce rapport au nécessaire, il n’y a qu’à imiter, toute différence de situation observée d’ailleurs, ce que font les peuples qui, sans rien compromettre, sont parvenus à s’organiser économiquement sous ce rapport. C’est surtout par des modifications au service des échanges qu’on atteindrait ce but. S’il est des contrées où les billets de banque figurent pour une trop forte part dans le signe représentatif des valeurs, il en est d’autres où on les a beaucoup trop rigoureusement cantonnés ; la France est de ces dernières. Ainsi, à Paris, le minimum des billets de banque est de 500 francs. Anomalie étrange ! on émet dans les départemens des billets de 250 fr., et on croit que la population parisienne n’en peut porter de moins de 500. La circulation des billets est par conséquent fort restreinte. Voilà comment on produit ce résultat singulier, que la Banque de France a ordinairement autant d’espèces en caisse que de billets dans la rue.