Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on préfère de nos jours une mine de houille. Liverpool, Manchester, Leeds, Birmingham, Newcastle, Lowell, Paris, Lyon, Saint-Étienne et Mulhouse, voilà les modèles que l’on propose à l’émulation dans les deux hémisphères.

A la faveur de cet empressement, l’industrie a fait, depuis cinquante ans, d’immenses progrès dans le monde. La production s’est développée presque sans limites. Les bras ont été multipliés à l’infini par les machines, et, bien que la mécanique remplace l’action de l’homme, chaque machine nouvelle a, pour ainsi dire, enfanté un nouveau groupe d’ouvriers. La force intelligente s’est accrue avec la force brute. En moins d’un demi-siècle, le travail du fer, du coton et de la laine donnait naissance à des villes de cent à trois cent mille habitans. Salaires, capitaux, tout s’élevait avec le flot de cette mer montante. La fortune mobilière, phénomène ébauché par Venise et par la Hollande, se fondait, dans tous les grands centres de civilisation, à côté de la propriété foncière, dont la valeur allait s’augmentant par contre-coup.

Cependant, quels qu’aient été les progrès de l’industrie, le développement des communications paraîtra, s’il se peut, plus rapide encore et plus gigantesque. Pour citer d’abord l’Angleterre, en 1770, les routes étaient si mauvaises dans ce pays, qu’Arthur Young les comparait, par un effort d’imagination, aux chemins de l’enfer. Soixante ans après, les seules routes à barrières de l’Angleterre et du pays de Galles présentaient une étendue d’environ 29,000 kilomètres unis et sablés comme les allées d’un parc. En 1798, il fallait dix-neuf heures pour parcourir, au moyen d’un service de diligences accélérées, les 80 milles (128 kilomètres) qui séparent Gosport de Londres ; dès 1830, cette distance était franchie en huit heures par les malle-postes. Aujourd’hui, l’on voyage à raison de 50 milles à l’heure (plus de 20 lieues) sur les chemins de fer anglais.

L’acte qui autorisait l’exécution du canal de Bridgwater fut rendu en 1759. Il fallut alors toute la persévérance du duc de Bridgwater et le génie de Brindley pour mener à fin l’entreprise. Depuis, l’esprit pratique de la nation n’a pas tardé à aplanir les obstacles. La navigation intérieure sur les canaux ou sur les rivières canalisées offre, pour l’Angleterre seule, un développement de 4,000 milles ou de 6,400 kilomètres. Les États-Unis, en imitant la Grande-Bretagne, l’ont encore dépassée et vaincue. Même après le canal calédonien, canal maritime qui fait passer les navires de la mer du Nord dans la mer d’Irlande, on peut citer encore le canal Érié, cette communication sans fin qui joint les mers intérieures de l’Union à l’Hudson et à l’Atlantique.

Enfin l’exécution des chemins de fer présente le plus grand triomphe que l’esprit d’association ait remporté depuis vingt ans en Europe et en Amérique. La première ligne employée au transport des voyageurs fut