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La réforme du tarif de la poste a été proposée presque en même temps des deux côtés du détroit. La brochure de M. Rowland Bill, l’heureux promoteur de la taxe à 10 centimes, parut à Londres vers la fin de 1836. L’ouvrage de M. Piron, qui proposait une taxe uniforme de 10 centimes pour les lettres de la ville à la ville, et une taxe uniforme de 20 centimes pour les lettres circulant d’un bureau à l’autre, fut publié à Paris à peine un an plus tard. Il y a mieux : la combinaison qui consiste à représenter par un timbre le port d’une lettre payée à l’avance et à économiser ainsi une partie du temps nécessaire à la distribution est une invention toute française. Il y a déjà près de deux cents ans (1653) que M. de Vélayer, à qui l’on doit le service de la petite poste, établissait à Paris un bureau où l’on vendait, à raison d’un sou pièce, des enveloppes qui faisaient arriver les lettres franches de port à leur destination.

La pensée de l’affranchissement préalable a eu la même fortune que l’invention de la vapeur et que celle de la chaudière tubulaire. La théorie appartient à la France, et l’application à la Grande-Bretagne. Il a fallu, avant de se naturaliser chez nous, qu’elle allât d’abord chercher un terrain pratique de l’autre côté du détroit. M. de Vélayer, Papin et M. Séguin étaient de cette race des précurseurs qui a l’éclat vague et passager des météores ; Watt, Stephenson et Rowland Hill étaient de ces hommes dont la Providence a fait les missionnaires d’un progrès, et qui apportent l’énergie victorieuse de la foi dans leur lutte contre les obstacles.

N’oublions pas quelle est la différence des habitudes et des caractères dans les deux contrées. En France, les idées et même les intérêts ne suffisent pas pour émouvoir l’opinion publique ; il faut que la passion s’en mêle et que les circonstances donnent le branle. Les citoyens ne sortent de leur sphère individuelle et ne portent leurs regards au-delà de cet horizon étroit que lorsqu’ils sentent la terre tremblera. Ils réservent leur intelligence et leur résolution pour le grand jour d’une commotion sociale. Dans la Grande-Bretagne, au contraire, tout projet d’amélioration, bien ou mal combiné, trouve sur-le-champ des prosélytes. L’opinion publique s’éveille au premier appel qu’on lui adresse. Les journaux font feu, les pamphlets se multiplient ; le débat est porté devant des réunions nombreuses dont la presse enregistre les moindres paroles ; les convictions se forment, s’étendent et s’enracinent, jusqu’à ce que l’agitation, ayant grandi et étant devenue à peu près irrésistible, vienne frapper à la porte du parlement.

Quoique le développement en quelque sorte régulier de l’agitation fasse partie des mœurs publiques dans le royaume-uni, il n’y avait certainement pas d’exemple, avant la réforme provoquée par M. Rowland Hill, d’un succès aussi prompt ni aussi facile. L’émancipation des catholiques