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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/479

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Inglis, il avait jeté son dévolu sur une conception vraiment utile, et cette conception, au lieu de se borner à la produire à l’état d’une généralité plus ou moins vague, il l’avait élaborée de manière à présenter un ensemble complet, les moyens d’exécution à côté des principes. La simplicité du plan, la clarté de l’exposition, la logique et la vigueur que l’auteur portait dans le débat contradictoire, voilà ce qui lui attira d’emblée l’assentiment unanime et enthousiaste du pays.

Il faut dire aussi que l’administration des postes ne contribua pas médiocrement au succès de M. Rowland Hill par la résistance aveugle qu’elle opposait à toute pensée de réforme. Ses principaux agens firent une triste figure dans l’enquête ouverte sur ce projet. Ils se trouvaient hors d’état de donner des renseignemens exacts, et se laissaient battre par un homme étranger à l’administration jusque dans l’évaluation du nombre annuel des lettres. Quand on leur représentait que la réduction de la taxe uniforme d’un penny mettrait un terme à la contrebande épistolaire, ils prétendaient que l’habileté de la fraude déjouerait toutes les combinaisons, comme si la fraude pouvait subsister quand on n’avait plus aucun intérêt à la faire. Les pressait-on plus vivement d’admettre la réforme dans un service immobile depuis trente années ; ils répondaient que la besogne les accablait déjà, et que tout surcroît de travail serait envisagé par eux avec inquiétude.

Si l’administration des postes s’était bornée à contester l’exactitude des calculs de M. Rowland Hill et à établir que l’adoption du nouveau système amènerait un déficit considérable dans le revenu, l’opinion publique eût peut-être hésité et le gouvernement avec elle ; mais des agens du fisc qui étaient assez peu scrupuleux ou assez peu intelligens pour combattre le progrès au nom de leur paresse et de la routine quotidienne ne méritaient ni considération ni pitié. L’administration des postes travailla ainsi, sans le vouloir, au succès de la réforme ; elle fut l’ombre qui fait ressortir la lumière. L’exagération de l’ancienne taxe dissimula l’extravagance généreuse de la nouvelle. On se rejeta vers M. Rowland Hill, en haine du colonel Maberly et des sinécuristes qui lui formaient cortége. En 1839, et bien que le revenu de l’état se trouvât déjà inférieur à ses dépenses, le plan de M. Rowland Hill, recommandé par le ministère, fut adopté par les deux chambres du parlement. Pour apprécier plus sainement les résultats de cette réforme, il convient de se reporter à l’état de choses qui l’avait précédée.

En 1838, le nombre des lettres circulant dans le royaume-uni et acquittant la taxe était de 75 millions. 8 millions de lettres étaient transportées en franchise, ainsi que 30 millions de journaux. On supposait que la fraude portait sur des quantités au moins égales. Comment aurait-il pu en être autrement ? A une époque où le Penny Magazine, qui ne prenait pas la voie de la poste, était distribué d’un bout à l’autre de