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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 avril 1847.

La Prusse et son roi sont en spectacle à l’Europe. C’est une œuvre difficile, l’histoire est là pour nous l’apprendre, que la conciliation des droits du trône et ceux du peuple dans ces momens solennels où une nation arrive à un développement plus large de sa liberté, sous quelque forme que cette liberté ait été octroyée, consentie ou stipulée. Or, il se trouve qu’en Prusse, outre les difficultés graves que présente inévitablement une situation pareille, il y en a d’autres qu’a fait surgir le langage non moins imprévu qu’imprudent de la couronne. Le roi Frédéric-Guillaume IV est un prince loyal et un homme de bonne foi, il a l’amour du bien et le goût de la gloire ; mais en même temps il est entraîné à des singularités dangereuses de conduite et de langage par un esprit plus mobile que juste, par une imagination qui voit notre époque à travers les souvenirs et les couleurs de la féodalité et du moyen-âge, par des théories mal digérées et appliquées à faux. Il y a depuis plus de cinquante ans en Allemagne une école historique qui, après avoir dans sa jeunesse montré de saines tendances et produit dans sa maturité de remarquables travaux, risque de compromettre, non-seulement sa juste célébrité, mais encore les plus précieux intérêts par la gravité de ses erreurs politiques. Quand, en 1814, M. de Savigny, dans sa fameuse querelle avec Thibault de Heidelberg sur la codification, soutenait que ni les mœurs de l’Allemagne, ni son état politique, ni sa langue encore obscure, ne pouvaient se plier à la rédaction uniforme d’un code civil pour tous les états du corps germanique, il était plus près de la vérité que son antagoniste, parce qu’il appréciait mieux que lui ce que pouvait alors l’Allemagne, ce qu’elle ne pouvait pas ; mais, lorsqu’un 1847 le royal élève de M. de Savigny déclare qu’il ne permettra jamais qu’une feuille écrite vienne s’interposer entre Dieu et la Prusse pour la gouverner par des paragraphes, il porte dans les principes, dans les idées politiques, la plus étrange confusion, et ne tient aucun compte de tous les progrès qui depuis trente ans se sont accomplis, tant pour l’Allemagne que pour l’Europe. Que de contradictions amassées dans le royal discours de Frédéric-Guil-