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et la petite rade. La première sert, pour ainsi dire, d’avant-port à la seconde : elle est tournée vers l’est ; mais du cap Sepet au cap Brun, entre lesquels elle s’ouvre, la distance est de trois kilomètres, et les vaisseaux courent à l’aise des bordées dans cet espace ; l’entrée et la sortie en sont ainsi praticables par tous les vents. La petite rade comprend, en arrière de l’étranglement formé par la correspondance des caps de l’Éguillette et de la Grosse-Tour, une étendue de près de 700 hectares : abritée des vents comme un port intérieur, protégée par des fortifications dont les feux se croisent sur toute sa surface, elle communique immédiatement avec les darses et l’arsenal.

Henri IV avait le premier compris et développé les avantages naturels de la position de Toulon ; mais, peu d’années après sa mort, son ouvrage était compromis par deux ennemis bien obscurs : c’étaient les torrens de l’Égouttier et du Las, qui se déchargeaient alors des deux côtés de la vieille darse, l’un par l’emplacement du port marchand actuel, l’autre en traversant celui du chenal de Castigneau. En 1633, ils avaient déjà jeté devant la darse une si grande traînée de pierres, de graviers et de limon, que les grands vaisseaux ne pouvaient plus en approcher, et, pour la rendre abordable, il fallait ouvrir un grand canal dans la mer. Chaque jour ajoutait de nouveaux dépôts aux anciens, et l’on pouvait calculer l’époque où, se réunissant, les deux alluvions barreraient complètement le port. A moins de tarir les torrens, il fallait, pour absorber leurs déjections, un réservoir dont la capacité fût en équilibre avec leur puissance. Un procureur du roi près l’amirauté, Antoine Martillot, dont le nom mérite une place dans les annales de la marine, proposa de creuser, dans une dépression de terrain qui se trouve entre les hauteurs de la Malgue, un nouveau lit à l’Égouttier et de le faire déboucher en dehors de la petite rade, sur le revers méridional du cap de la Grosse-Tour. Ce projet, vivement appuyé par le commandeur de Forbin, fut présenté par le président de Séguiran, et le cardinal de Richelieu en ordonna l’exécution[1]. Depuis plus de deux cents ans, les galets et les sables de l’Égouttier se perdent dans des profondeurs où ils s’accumuleront long-temps impunément.

Quant au Las, sur lequel nous reviendrons bientôt, l’embouchure en a été reportée, long-temps après, à deux kilomètres à l’ouest de la darse neuve : le projet était de Vauban ; il paraît avoir été exécuté vers 1746 par les troupes rassemblées sous le commandement du maréchal de Belle-Isle.

Ces précautions n’ont pas empêché le fond de la rade de prendre un exhaussement qu’on a peu remarqué tant que le mouillage n’a pas été

  1. Voir le Procès-verbal contenant l’état véritable auquel sont de présent (en 1633) les affaires de la côte maritime de Provence. (B. R., mss. n° 1037.)