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canon des forts, ces voiles blanches dont le mouvement se projette à la fois sur l’azur du ciel et sur la verdure de la terre, ces pavillons qui font battre, quand ils se déploient, tant de cœurs généreux, la puissance et l’honneur de la France respirent en eux. Ces eaux vertes, ce paysage qui se déroule autour de nous, n’ont pas une place qui n’ait été témoin d’une action héroïque : là combattirent le Romulus et le Renard ; là le maréchal de Tessé vainquit Victor-Amédée II et le prince Eugène ; là se leva sur le monde l’étoile de Napoléon : il n’est pas de grand événement dans les temps modernes dont ces lieux n’aient reçu le reflet, et ce tableau qui charme nos regards, élève nos sentimens, est celui dont s’émurent Tourville, Duquesne, Vauban, Suffren, Bonaparte et leurs plus glorieux compagnons.

A dix milles à l’est de l’entrée de la rade de Toulon, un grand soulèvement granitique, dirigé de l’est à l’ouest à peu près parallèlement à la côte, a fait sortir du fond de la mer cinq îles rocheuses ; ce sont les Stoechades (ΣτοιΧάς) des anciens, ainsi nommées, dit Pline, de l’alignement sur lequel elles gisent, les îles d’Or du moyen-âge, et les îles d’Hyères de notre temps. Le tronçon le plus occidental du soulèvement est à 5 kilomètres de la côte ; l'action alternative des vents et des courans a formé dans cet intervalle un étroit amas de galets, de sables et de coquilles, et la réunion de l’ancienne île au rivage a pris la figure d’un T. L’échancrure occidentale comprend la rade de Giens, l’autre sert de limite à la rade d’Hyères. Celle-ci embrasse la vaste étendue comprise entre les îles et le rivage. De l’extrémité de l’île du Levant à celle de l’île de Porquerolles, la distance est de 30 kilomètres. La rade communique avec le large par cinq passes : on peut y mouiller, par un fond de sable vaseux et d’herbiers, sur les quinze lieues carrées qui s’étendent de la presqu’île de Giens à la méridienne du cap Benat ; mais, dans la variété d’aspects et d’expositions qui s’y rencontrent, on en préfère un certain nombre où les relations avec la terre sont plus faciles et le calme plus assuré. Tels sont, à l’ouest, les mouillages du Pradeau, de la Badine et de Porquerolles, qui, protégés par cette île et par la presqu’île de Giens, forment à l’entrée de la petite passe un ensemble capable de contenir toute une flotte ; au nord le mouillage des salins d’Hyères, qui reçut saint Louis au retour de sa première croisade, et est d’ordinaire choisi par les vaisseaux de ligne ; au sud celui des îles de Port-Cros et de Bagau, le meilleur abri qui se rencontre de Toulon à Saint-Tropez ; enfin, sur le revers oriental du cap Benat et vis-à-vis l’île du Levant, les mouillages de Bormes et de Cavalaire sont excellens contre le mistral. La grande passe du sud et celle de l’est ont chacune neuf kilomètres de largeur ; elles ne peuvent par conséquent pas être fermées ; si leurs dimensions se rapprochaient de celles des trois autres, la rade d’Hyères serait une véritable mer intérieure et une très forte