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quelque attentat contre eux. Le peuple est gagné avec de l’argent, et ils l’enflamment contre le pauvre prince de la Paix et le roi mon mari et moi, parce que nous sommes alliés des Français et que nous les avons fait venir »

Quand on songe que la femme qui écrivait ces lettres ne couvrait de tant d’opprobre son propre fils que pour sauver son ancien amant, que le vieux et débile Charles IV rivalisait avec son impudique épouse d’abnégation et d’attachement pour l’homme qui avait publiquement déshonoré sa couche ; quand, l’histoire à la main, on rapproche de tant d’ignominie tous les lâches abandons dont, plus tard, Ferdinand VII a souillé sa mémoire, on ne s’explique que trop le dégoût qui dut s’emparer de l’empereur pour cette branche flétrie d’une illustre famille, et l’on serait bien près de lui pardonner l’attentat que nous allons bientôt le voir consommer à Baronne, si, pour un souverain, le premier des devoirs n’était pas de respecter l’indépendance des peuples ses voisins et les droits des couronnes, quelque dégradés que soient les fronts qui les portent.

Murat déféra aux prières du vieux roi et de la reine ; il les couvrit de son drapeau, et obligea Ferdinand de renoncer à son dessein de les exiler à Badajoz. Il avait été l’ami du prince de la Paix, quand celui-ci était au sommet de la puissance ; il ne lui manqua pas dans l’infortune, il le tira de la prison où il était détenu au village de Pinto, et le fit transporter dans le château de Villa-Viciosa. Il demanda aussi que la procédure dont il était l’objet fût arrêtée et que sa personne lui fût livrée. Par vengeance personnelle non moins que par crainte d’irriter le peuple, Ferdinand s’y refusa ; mais, sur tous les autres points, il montra un empressement plein de déférence à prévenir les moindres désirs du grand-duc. Il commença par révoquer l’ordre expédié par son père au général Solano de s’échapper du Portugal et d’accourir sur Séville : il lui enjoignit de rebrousser chemin et de reprendre en Portugal les positions qu’il venait de quitter. Solano s’arrêta quelque temps à Badajoz ; mais, quand il vit la tournure que prenaient les événemens, il quitta cette ville avec son corps d’armée, et vint reprendre à Cadix son poste de gouverneur de l’Andalousie.

L’armeira royale de Madrid conservait un illustre trophée de la journée de Pavie ; c’était l’épée de François Ier. Murat eut l’indiscrétion d’exprimer le désir qu’elle nous fût rendue. Aussitôt Ferdinand s’empressa de nous livrer ce monument de la gloire castillane, et se plut à rehausser le sacrifice par l’éclat dont il l’entoura. Le 4 avril, la fameuse épée fut portée en grande pompe au palais qu’habitait Murat, et ce fut un des grands-officiers du palais, le marquis d’Astorga, qui vint la remettre en personne entre les mains du généralissime. Il eût été plus glorieux pour nous de reconquérir par une victoire ce témoin de notre ancienne