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opéras-comiques en trois actes chacun, et qui furent représentés sans succès l’Alcade de la Vega, en 1824 ; le Colporteur, en 1827, et le Duc de Guise, le meilleur des trois, en 1837 ; car tel est le cas qu’on fait de la grande musique parmi nous, que Palestrina ne pourrait pas entrer dans une académie où siège à bon droit M. Adolphe Adam[1] ! Quant aux symphonies de M. Onslow, elles se recommandent par la sage ordonnance du plan, par une bonne économie des effets, et, en général, par des qualités de facture fort estimables. M. Onslow est un de ces hommes qui, à force d’application et d’un bon emploi de leurs facultés, arrivent à se conquérir une réputation honorable, bien qu’ils ne semblent pas appelés par la nature à briller dans un art qui exige avant tout de l’inspiration. C’est un de ces exemples encourageans qu’il faut citer aux élèves comme preuve de ce qu’on peut obtenir par le travail et l’étude des grands maîtres. Cherubini est la plus haute expression de ce genre de mérite et de la puissance des écoles.

Tout à côté de M. Onslow, nous remarquons M. H. Reber, connu par des compositions légères d’une rare distinction de style, par la musique fine et vive d’un acte de ballet, le Diable amoureux, et surtout par des sonates, des trios, des symphonies qui lui ont acquis l’estime des vrais connaisseurs. M. Reber est un musicien instruit, très versé dans la connaissance des chefs-d’œuvre, très amoureux des curiosités historiques de l’art, richesses, étrangères dont il se plaît à orner sa mémoire, et qui parfois trahissent sa vigilance en se mêlant à ses propres inspirations. Il a surtout étudié avec un soin particulier les vieux maîtres de l’école française, Lully, Rameau, Couperin, dont il affecte le tour naïf et les Cadences un peu vieillottes ; mais la naïveté est une vierge pudique qu’un simple regard fait rougir, et qui s’effarouche de la curiosité de l’esprit, comme Psyché de celle de l’Amour. Si, pour me raconter une belle histoire d’amour où la fantaisie s’unit au sentiment dans une divine étreinte, je vous vois ouvrir un livre poudreux et froncer le sourcil, vous me glacez tout d’abord, vous êtes moins un poète qu’un érudit ingénieux. Telle est un peu l’impression que produit sur nous le talent, d’ailleurs remarquable, de M. Reber. Sa musique est un mélange de grace et de bonhomie, d’ingénuité et de pruderie, et il semble que l’ampleur, l’entrain, la passion et la désinvolture de la jeunesse lui fassent défaut ; son orchestration rappelle la manière d’Haydn, dont elle a la clarté et la sage économie d’effets. Nous savons que M. Reber travaille actuellement à un opéra-comique en trois actes. Peut-être nous prépare-t-il une surprise et donnera-t-il un démenti au jugement que nous venons de porter sur lui. C’est notre désir bien sincère.

Nous. le demandons, maintenant : est-ce par M, Onslow, est-ce par M. Reber, que les conditions de la symphonie ont été vraiment comprises ? Non, sans doute ; ce cadre si favorable à tous les élans du lyrisme a été resserré par eux en des limites trop étroites. Il nous reste à examiner si le second groupe de nos symphonistes a su se rapprocher un peu plus de l’idéal fixé par Haydn et par Beethoven.

C’est M. H. Berlioz qui se présente en tête des novateurs qui ont eu la velléité

  1. On sait qu’il faut avoir fait représenter au moins un opéra en un acte pour devenir membre de l’Institut.