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événemens de sa divine comédie. Rarement l’alliance du drame et de la symphonie a été plus malheureuse. Non-seulement M. Berlioz ignore l’art d’écrire pour la voix humaine, mais son orchestration même n’est qu’un amas de curiosités sonores, sans corps et sans développement.

La manière et les défauts de M. Berlioz ont trouvé, comme on devait s’y attendre, d’ardens imitateurs. Nous citerons M. J.-M. Josse, qui a fait exécuter, l’année dernière, un oratorio fantastique en quatre parties, intitulé l’Ermite ou la Tentation, œuvre que recommandent quelques morceaux estimables ; M. Douay, dont la symphonie fantastique sur la Chasse royale d’Henri IV faisait augurer mieux que la trilogie musicale sur Jeanne d’Arc, qu’il nous a fait entendre dernièrement ; M. L. Lacombe, qui a révélé quelques-unes des qualités du compositeur dans sa symphonie dramatique de Manfred ; enfin M. Félicien David, dont la bruyante popularité mérite une appréciation plus sérieuse.

Ainsi qu’une foule d’artistes de ce temps-ci, M. F. David a long-temps tâtonné et cherché sa voie. Des productions légères, des chœurs, des hymnes, des morceaux de musique instrumentale composés pour les saint-simoniens, dont il avait embrassé les idées, avaient recommandé son nom auprès de ses amis et d’un petit nombre d’amateurs, lorsque les vicissitudes d’une existence pénible et mal assise le conduisirent en Égypte. Là, frappé par les magnificences d’une riche nature, aidé par les conseils d’un ami, M. Colin, il conçut le projet d’une petite épopée dans laquelle il pourrait encadrer les idées musicales qui fermentaient vaguement dans son imagination, et aussi quelques mélodies populaires qu’il avait recueillies et dont le caractère étrange l’avait séduit. Une caravane traversant l’immensité du désert, avec toutes les péripéties qui peuvent animer un voyage si long et si périlleux, lui parut un sujet propre à inspirer sa muse et à la faire bien accueillir du public parisien. Telle est l’origine de la composition qui valut tout à coup à M. F. David une célébrité séduisante et bien dangereuse.

L’ode-symphonie du Désert commence par un sourd murmure des instrumens à cordes, par une longue tenue d’orchestre destinée à exprimer l’idée de l’infini telle que l’éveille en nous l’aspect d’une plaine immense. Quelques vers déclamés sur cette basse fondamentale servent à préciser l’intention du compositeur. Ensuite la caravane tout entière chante une prière en chœur dont les voix sont groupées avec beaucoup de goût sur cette même pédale qui se prolonge et persiste comme la pensée principale du poème :

Quel est ce point nuit dans l’espace
Qui se montre et fuit tour à tour ?
A l’horizon la caravane passe…


À cette strophe, encore déclamée, un peu à la manière antique, par un coryphée qui semble la personnification du poète faisant intervenir un peu trop complaisamment sa fantaisie au milieu de l’action dramatique, succède un morceau de symphonie très gracieux, où la flûte, la clarinette et le hautbois se jouent et dialoguent entre eux comme des sylphes amoureux ; la caravane ensuite reprend sa marche en chantant. Une nouvelle strophe déclamée par le coryphée avertit l’auditeur de l’approche du simoûn, vent impétueux et brûlant