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La seconde partie s’ouvre par un morceau symphonique d’un caractère doux et charmant, qui dispose l’ame à se laisser bercer par la rêverie et la brise des mers. Un jeune mousse profite des loisirs que lui laissent le calme de la nature et la sérénité de la nuit pour chanter une mélodie naïve, mais un peu courte, qui ressemble à un vieux noël. L’orchestre reprend aussitôt après et s’efforce de peindre à l’imagination le murmure lointain de certains génies mystérieux qui surgissent, étonnés, au milieu de l’océan. Ce morceau de musique pittoresque n’est pas heureux, et le chœur de matelots qui en forme le complément, écrit en harmonie plaquée, comme tous ceux qui sont dans la partition du Désert, n’a rien de saillant, si ce n’est de jolis détails d’accompagnement. On y remarque surtout une fine arabesque modulée par le hautbois, qui réveille l’idée de ces vocalises légères que l’alouette jette dans l’espace, lorsqu’elle se balance au-dessus du nid qui contient sa couvée. Le Quart est une romance assez triste et monotone que chante l’un des matelots, et qui, loin de refléter le ciel bleu de l’Espagne et la limpidité des mers où se baigne le soleil, ressemble à un cantique de la Basse-Bretagne. La ballade des mariniers et les chœurs qui suivent manquent également d’intérêt et de nouveauté ; ils reproduisent, en les affaiblissant, les tournures mélodiques et les formes d’accompagnement dont l’auteur a fait un si grand usage dans la symphonie du Désert.

Il n’y a qu’une opinion sur l’extrême faiblesse de la troisième partie, qui renferme pourtant la seule situation vraiment dramatique de cette étrange composition. On ne saurait rien imaginer de plus pauvre et de plus terne que le chœur de la révolte de l’équipage, que les récitatifs et l’air que chante Colomb pour apaiser ces hommes indociles et grossiers qui peuvent l’arrêter tout court dans son voyage miraculeux. Il n’est pas besoin de se rappeler comment Spontini a traité, dans son Fernand Cortés, une scène à peu près semblable, pour trouver la musique de M. F. David d’une déplorable médiocrité. Quelles belles pages de musique épique eût pu écrire sur le monologue de Colomb, s’adressant à son génie au milieu du silence de la nuit et de l’océan, un compositeur doué de cette vigueur, de cette variété d’inspiration qui manquent à l’auteur du Désert !

C’est dans la quatrième et dernière partie, intitulée le Nouveau-Monde, que se trouvent les choses les plus agréables de l’œuvre de M. David. On aborde la terre nouvelle avec d’autant plus de plaisir, qu’on a trouvé la traversée bien longue. Quelques vers déclamés sur la tenue d’orchestre habituelle, dont il nous semble que M. F. David abuse un peu, sont immédiatement traduits et commentés par un morceau de symphonie tout-à-fait charmant. Les instrumens à vent dialoguent entre eux au-dessus d’une basse qui les accompagne en murmurant ; ils semblent se réjouir et babiller comme une troupe d’oiseaux dans un riche verger. De jolies imitations qui se détachent apportent à l’oreille comme une brise odorante d’une terre prédestinée. La danse des Sauvages, qui vient après un chœur insignifiant, et dont la mélodie originale n’est pas de M. F. David, si nous sommes bien informé, est orchestrée avec infiniment de goût et de talent. Les violons, voilés de sourdines, dessinent le thème, pendant que les basses marquent les temps forts et les notes réelles de l’harmonie. La petite flûte et la clarinette s’agacent et luttent en propos élégans, comme deux bergers dans une églogue de Virgile. C’est délicat. L’élégie que chante une pauvre Indienne autour du berceau de son enfant est une mélodie suave, bien qu’un peu courte,