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époques de la peinture byzantine, je m’étais plus d’une fois promis de tenter une excursion sur les lieux mêmes qui en avaient été le berceau. J’entrevoyais par la pensée les trésors archéologiques que devait contenir cette partie écartée du continent hellénique, cette presqu’île montagneuse, restée, par sa position et sa pauvreté, tout-à-fait en dehors des invasions musulmanes. Je présumai que dans cet heureux coin du globe la plus pure tradition de la peinture byzantine avait dû se maintenir, conservée qu’elle était par des hommes complètement étrangers aux sentimens et aux idées qui viennent, à certaines époques, changer la direction de l’art. L’espoir de recueillir quelques notions précieuses sur les peintres byzantins me faisait oublier les difficultés du voyage, que j’espérais d’ailleurs surmonter par ma persévérance. Depuis mon arrivée en Grèce, mon vif désir de visiter l’Athos s’était encore accru à la vue des ruines du monastère San-Lucà sur le Parnasse, où j’avais trouvé des restes de fresques fort remarquables. On peut se rendre au mont Athos par Salonique ou plus directement par mer ; c’est ce dernier moyen que je dus employer. M. le contre-amiral Turpin voulut bien, sur la recommandation de notre représentant à Athènes, M. Piscatory, mettre à ma disposition le brick l’Argus, alors en station au Pirée. A la nouvelle de mon départ, plusieurs artistes demandèrent la permission de m’accompagner : ils l’obtinrent facilement de la bienveillance éclairée de M. Piscatory ; mais, au moment de quitter Athènes, on leur fit des privations qui les attendaient un tableau si effrayant, que je finis par me trouver seul à persévérer dans mon entreprise.

Je partis donc accompagné d’un drogman. Le vent était favorable, et nous fûmes bientôt loin du Pirée. Le brick s’arrêta au cap Sunium. Le temple de Minerve est situé sur la cime du cap qui s’élève à pic au-dessus de la mer. Il en reste neuf colonnes sur la longueur, et trois autres entourent un pilier d’angle de la façade qui est tournée vers l’est. Le temple est d’ordre dorique et en marbre gris. Il fallait la vue perçante des marins grecs pour apercevoir, comme l’assure Pausanias, à cette distance de six myriamètres environ, la lance de la statue de Minerve qui dominait autrefois l’acropole d’Athènes. Tout près du cap, on rencontre l’île Provençale, une de ces appellations à date indécise que les grands peuples jettent çà et là sur leur passage.

Nous doublâmes l’île d’Andros et la pointe de l’Eubée, dont la riche végétation contraste avec la pittoresque aridité des sites qui l’entourent. Le lendemain, nous étions en vue des îles d’Ipsara et de Scio ; on apercevait également l’île de Saint-Estrate. La vue mieux exercée des marins parvenait même à découvrir l’Athos. Ma pensée se reporte avec plaisir vers les soirées passées sur la dunette, au milieu de cette belle nature. Le pilote nous racontait en tremblant l’histoire du Vrakopoula,