Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/794

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon séjour à Vatopedi. Je me remis en route, laissant à ma gauche Simenou, couvent aujourd’hui sans importance, fondé, au Ve siècle, par l’empereur Théodose et sa sœur Pulchérie. J’avais visité les parties les plus curieuses de l’Athos, et il ne me restait plus qu’à rejoindre le commandant de l’Argus, qui m’attendait pour remettre à la voile. Une barque vint me prendre pour me transporter vers la partie de l’isthme près de laquelle mouillait le brick. Un incident, qui suivit d’assez près notre départ, vint me prouver que la population de l’Athos n’est pas exclusivement composée de moines pacifiques. Nous étions embarqués depuis quelques heures et nous longions la côte, lorsque, vers minuit, nous fûmes silencieusement accostés par une barque dont les rameurs s’apprêtaient à entrer dans la nôtre ; la vue de nos armes les fit battre en retraite, et nous en fûmes quittes pour une violente secousse ; un bruit de rames qui témoignait d’une fuite rapide répondit seul à nos questions. Notre appareil militaire déconcertait-il des projets hostiles ou écartait-il simplement des curieux ? Je ne sais, mais la première hypothèse me paraît plus probable. Depuis la conquête turque, en effet, les pirates n’ont jamais cessé d’infester ces parages.

Au soleil levant, nous nous trouvions près de l’endroit le plus resserré de la presqu’île, où Xercès avait fait creuser un canal dont on voit encore les traces. Je traversai l’isthme. J’arrivai au lieu dit les Portes de Cassandre, où nous allumâmes du feu : c’était un signal convenu. Une embarcation vint nous prendre, et nous cinglâmes vers Athènes. Notre voyage avait duré un mois, selon la promesse que j’avais faite à M. le contre-amiral Turpin. Je lui devais, ainsi qu’à M. Piscatory, d’avoir pu étudier dans Aghia-Labra un des monumens les plus curieux et les plus authentiques de l’art byzantin ; mais j’emportai le regret de n’avoir pu séjourner plus long-temps dans un pays inexploré, et dont les trésors archéologiques disparaissent chaque jour par l’effet de la triste incurie de moines ignorans. Cette visite aux couvens de l’Athos m’avait permis de saisir plus nettement les phases diverses de l’école byzantine et son influence réelle sur les destinées de l’art.

Venue à une époque où le genre humain, abandonnant des traditions épuisées, cherchait à traduire dans la langue du passé les sentimens nouveaux qui allaient dicter la loi de l’avenir, l’école byzantine a rendu au christianisme et à l’art qui en fut l’expression les plus éminens services. Tant que l’héritage intellectuel de l’antiquité fut à sa disposition, l’art byzantin transforma à son usage les élémens qu’il put lui emprunter. Il atteignit ainsi son apogée vers le me siècle et s’y maintint jusqu’au septième. La protection des empereurs de Constantinople en hâta les progrès et le soutint dans son essor. Fléchissant, aux siècles