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à la contrée pourrait s’obtenir de deux manières, par des constructions neuves à Saint-Raphaël, ou par une restauration à Fréjus.

Saint-Raphaël n’est encore qu’un village où les conditions de l’établissement maritime, déjà meilleures qu’elles ne l’étaient à Fréjus du temps de César, seraient encore fort améliorées par le report de l’embouchure de l’Argens à la pointe de Saint-Égou. Ce qu’on appelle aujourd’hui le port consiste en un abri contre les vents du sud, formé par un môle de 90 mètres de longueur, mais battu de toute la violence des vents de nord-ouest. Le parti le plus simple serait de construire un bassin dont la jetée actuelle fournirait la base : les roches du fond ne permettraient guère d’obtenir au-delà de 3 mètres 50 cent. d’eau ; c’en est assez pour des bâtimens de 100 à 150 tonneaux, et le cabotage, qui serait ici le principal élément de la circulation, en emploie rarement de supérieurs. Une bonne route départementale rattache Saint-Raphaël au réseau des routes qui rayonnent de Fréjus vers Toulon, Marseille, Aix, Draguignan, les Basses-Alpes, Grasse et Nice. Cette combinaison ne laisserait donc en souffrance aucun des besoins réels du commerce et de la circulation, mais elle serait de peu de ressource pour la marine militaire et pour la marine à vapeur : or, nous ne devons jamais perdre de vue que, pour accomplir ses destinées sur cette côte, celle-ci a besoin d’abris dont la profondeur et la sûreté répondent à la supériorité de valeur de son matériel.

Le recreusement pur et simple de l’ancien port de Fréjus, désormais préservé des atterrissemens, serait une entreprise beaucoup moins hardie qu’il ne semble au premier coup d’œil. Il impliquerait l’ouverture d’un chenal, tout différent du chenal antique, s’embouchant sur les eaux claires de la rade de Saint-Raphaël et protégé à l’entrée par un môle. La nature du terrain rendrait ce travail facile, et le chenal n’aurait que 2,500 mètres de longueur, c’est-à-dire 400 de moins que celui de Dunkerque, 1,300 de moins que celui de Gravelines. A la vérité, la différence est grande entre le port à marée et le port à niveau constant, et le renouvellement diurne des eaux d’un bassin intérieur est une condition de salubrité qui manquerait à Fréjus. Aussi, le projet de restitution du port romain devrait-il comprendre une étude approfondie de l’hydrographie des environs. S’il en résultait la certitude de tirer des collateurs des irrigations de l’Argens, des dérivations du Reyran et des ruisseaux voisins de Saint-Raphaël, une assez grande abondance d’eau pure pour vivifier continuellement le bassin, il serait malhabile de s’arrêter devant une assez faible augmentation de dépenses, qui serait d’ailleurs compensée par les facilités que procurerait, pour la formation des établissemens accessoires d’un port, le contact d’un noyau de population considérable. La contrée serait ainsi beaucoup mieux desservie ; le mouvement entre Fréjus et Saint-Raphaël ne fût-il que de