Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/839

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Comédiens : Agatharque et Moerias.
Citharède : Zénothée.
Cithariste : Apollonios.

Il est probable qu’au lieu de retourner à Athènes, quelques-unes de ces troupes dramatiques se fixèrent dans telle ou telle ville, et donnèrent naissance aux associations dionysiaques. La plus remarquable de ces associations s’était établie à Téos, puis à Lébédos, vers le temps d’Alexandre. Ces corporations étaient si favorisées, qu’elles obtenaient des immunités et des exemptions d’impôts pour les villes où elles faisaient leur séjour. C’était donc, pour peu qu’on eût de talent, une excellente profession que celle de comédien, puisqu’on y trouvait à la fois honneur et profit ; mais autant les acteurs distingués étaient bien traités par les villes, autant ils maltraitaient eux-mêmes les acteurs médiocres qu’ils dirigeaient. C’étaient ordinairement ceux-ci qui remplissaient les rôles de dieux, et, dit Lucien, « lorsqu’ils avaient mal joué Minerve, Neptune ou Jupiter, on leur donnait le fouet. »


Il va sans dire que ces grands acteurs continuaient l’œuvre de destruction qu’avaient commencée les petits poètes. L’héritage des tragédies ayant passé dans leurs mains, à leur tour ils les remanièrent, retranchant, ajoutant, accommodant les rôles à leurs moyens. A quoi avait-il servi que l’orateur Lycurgue portât une loi pour prévenir ces interpolations ? — A constater le mal sans y remédier, ou à le prédire sans le prévenir. Ces acteurs eurent quelquefois d’illustres spectateurs et d’illustres rivaux. Antoine, à Athènes et à Samos, essayait d’en amuser Cléopâtre. Néron, poète, acteur et citharède, courait les scènes des petites villes grecques pour y disputer des prix : outre les rôles de l’incestueuse Canacé, d’OEdipe aveuglé, du despote Créon, d’Alcméon, d’Hercule, il jouait celui d’Oreste tuant sa mère.

Les représentations tragiques et comiques duraient encore au temps de saint Jean-Chrysostôme et de Théodose. Saint Augustin, à l’âge de dix-sept ans, assistait à celles que l’on donnait sur le théâtre de Carthage (Bossuet, vers le même âge, était fort assidu aux pièces de Corneille). Ce fut, au VIe siècle, l’empereur Justinien qui supprima ces représentations. Quant à la tragédie elle-même, depuis long-temps déjà elle n’existait plus. C’était à la cour des Ptolémées, dans cette atmosphère philologique, qu’elle avait achevé de mourir. La faveur des grammairiens l’avait étouffée.

Désormais, simple exercice littéraire, destinée à la lecture et non plus à la scène, elle ne conserve de la tragédie que le nom. Les chrétiens adoptent cette forme ancienne pour répandre la foi nouvelle ; car, ainsi qu’on l’a très bien remarqué, tandis que l’église d’une part frappait le théâtre d’anathème, de l’autre « elle faisait appel à l’imagination