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extérieure réside dans des pays lointains, dans le nouveau continent, malgré la largeur de l’Atlantique, que les approvisionnemens auraient à traverser pour se rendre sur notre marché, et c’est sous la forme de salaisons qu’ils nous arriveraient. Les États-Unis pourraient nous en fournir de grandes quantités. Un jour à venir, lorsqu’il y aura de l’ordre et de la sécurité sur les bords de la Plata et que l’industrie européenne pourra tenter de s’y établir, les innombrables troupeaux de bœufs qui errent dans les pampas seront utilisés peut-être pour la consommation de l’Europe. L’industrie de la salaison aurait là un immense champ à exploiter. Il serait possible, dit-on, d’abattre parmi ces myriades d’animaux, tous les ans, un demi-million au moins de têtes, sans que ce capital vivant, aujourd’hui stérile, fût compromis dans sa reproduction. On tue bien dans les grands ateliers d’abattage de la vallée de l’Ohio 500,000 porcs aujourd’hui ; la capacité de production des pampas en bêtes à cornes doit être plus grande encore. On sait qu’actuellement c’est pour le cuir seulement qu’on exploite les vastes troupeaux de bêtes à cornes des bords de la Plata. A peine fait-on sécher au soleil une parcelle de la viande, qu’on envoie sans autre préparation dans les Antilles pour la nourriture des esclaves. De là le tasajo, dont les navires se reconnaissent au loin à l’odeur infecte qu’ils répandent. Nous n’indiquons d’ailleurs ici que pour mémoire la ressource des steppes de l’Amérique du sud. Il faut à nos populations quelque chose de plus immédiat et de moins problématique. Procurons-nous donc par l’abolition des droits de douane la médiocre quantité de bétail que pourront nous livrer les états limitrophes, et surtout hâtons-nous d’appeler les salaisons des États-Unis, qui seront beaucoup plus abondantes.


VI.

Cette question de la liberté du commerce, des subsistances en général, des céréales en particulier, pouvait faire hésiter les gouvernemens modernes de l’Europe occidentale, à cet égard oublieux des traditions éminemment libérales de notre ancien régime, alors qu’aucun des grands états n’en avait donné l’exemple. On avait vu quelques petits états l’adopter sans que les populations agricoles en éprouvassent le moindre inconvénient. Ainsi la Toscane jouit de la liberté du commerce des grains depuis long-temps, et on ne voit pas que les terres y soient tombées en friche ; au contraire, les campagnes y sont mieux cultivées qu’ailleurs, et les paysans toscans non protégés y jouissent d’une aisance qu’aucune autre contrée n’égale en Italie. C’était une induction pour des nations plus puissantes possédant un plus vaste territoire ; mais l’expérience faite sur une petite échelle pouvait être représentée comme n’étant pas suffisamment probante. Une grande nation a été enfin