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le danger commun rapprochait tous les intérêts divers. Peu de temps avant la réunion du parlement, cette ligue transporta son centre de Dublin à Londres. Les membres irlandais des deux chambres essayèrent de former, à côté du parlement impérial, une sorte de parlement national, et ils établirent le siège de leurs délibérations dans Old palace Yard, aux portes même des autres chambres. Ils n’avaient naturellement aucune prétention à constituer une législature indépendante ce n’était qu’un club où ils venaient arrêter la conduite qu’ils tiendraient dans le parlement ; mais c’était peut-être le plus grand pas qui eût jamais été fait vers la fusion des divers partis irlandais. Tories et libéraux, protestans et catholiques s’ y donnaient la main ; les Westmeath, les Downshire, les Castlereagh, s’y rencontraient avec les O’Connell, les Grattan et les O’Brien.

Mais toutes ces tentatives, tous ces efforts, devaient échouer devant une puissance supérieure. On verra bientôt comment cette confédération irlandaise fut battue en brèche, démantelée et dispersée en poussière dans le parlement anglais. La plus grande part de cette œuvre revient au parti radical ; elle appartient principalement, dans la presse, au Times, dans la chambre des communes, à M. Roebuck. Le journal le plus répandu et l’orateur le plus redouté de l’Angleterre furent, chacun dans sa sphère, au dehors et au dedans de la législature, les organes les plus populaires de la réaction contre les landlords de l’Irlande. Le gouvernement anglais, dans tout le cours de la session, ne fit que suivre l’élan donné à l’opinion publique sans lui et malgré lui. Nous connaissons peu d’exemples où ce qu’on appelle en Angleterre la pression du dehors ait agi avec autant de puissance et presque de tyrannie sur un gouvernement et sur une législature.

Ce fut dans ces circonstances que s’ouvrit la session de 1847, une des plus confuses, des plus agitées et des plus fécondes en résultats encore problématiques qu’ait jamais vues le parlement de la Grande-Bretagne. Elle s’ouvrait sous de tristes augures. Ce fut, dit-on, d’une voix basse et émue que la reine Victoria donna lecture de son discours ; la famine et l’Irlande y occupaient la première et la plus grande place. Le paragraphe le plus important de ce discours était celui-ci : « J’ai à diriger votre attention sur la condition permanente de l’Irlande. Vous verrez, dans l’absence de toute excitation politique, une occasion d’envisager sans passion les maux sociaux qui affligent cette partie du royaume-uni. » Ce peu de mots renfermaient la tâche de toute la session. Ils indiquaient aussi que l’Angleterre remontait enfin à la véritable source des maux de l’Irlande, qu’elle allait abandonner la fausse voie des réformes purement politiques, pour entrer dans celle des réformes sociales ; qu’au lieu d’appliquer année par année des palliatifs à la maladie de ce triste pays, elle allait y chercher des remèdes permanens, et