la calamité publique qui avait pesé sur eux comme sur le peuple, et de les aider à sortir d’une ruine imminente, mais en même temps de les assimiler aux propriétaires anglais, en leur faisant supporter désormais la taxe des pauvres.
Le plan du ministère pouvait se diviser en deux parties : l’une comprenant seulement des mesures temporaires, l’autre embrassant les mesures permanentes. Il fallait avant tout parer aux nécessités du présent, arrêter, autant que possible, les ravages quotidiens de la famine, venir au secours du peuple, en un mot lui donner à manger. Pour cela, il n’y avait de possible que les mesures directes, les secours de la main à la main. Trois ou quatre millions d’individus mourant littéralement de faim n’avaient pas le temps d’attendre ; ce qu’il leur fallait, ce n’était pas même du travail, c’était du pain, c’était de la soupe. Le gouvernement proposait donc de constituer dans chaque district électoral de l’Irlande des comités de secours autorisés à recevoir des souscriptions du public et des donations du trésor, et à lever des taxes ; avec ces fonds, ils devaient établir des cuisines de soupes (soup-kitchens) et distribuer des rations aux indigens, à tous les indigens, sans exiger de travail en retour.
Ce système de distribution en grand devait remplacer celui de l’entreprise de travaux publics. Immédiatement après cette mesure en faveur du peuple, il en venait une en faveur des landlords. Nous rappellerons que primitivement les sommes avancées par le trésor pour des travaux d’utilité publique ne l’avaient été qu’à titre de prêt, et que le recouvrement devait en être perçu sur les propriétaires. Lord John Russell, prenant en considération les embarras dans lesquels se trouvaient les landlords, proposait maintenant de leur remettre la moitié de cette dette. C’était simplement légaliser une faillite inévitable. On savait parfaitement bien en Angleterre que cet argent ne serait jamais rendu, par la raison toute simple que les landlords, quand même ils l’auraient voulu, n’auraient jamais pu le rendre. C’était donc, pour le trésor, de l’argent perdu, et le gouvernement, en proposant de décharger les Irlandais de la moitié de cette dette, ne leur faisait pas une grande faveur. En même temps il proposait d’avancer encore 50,000 livres sterling aux propriétaires pour les aider à acheter des semences. Il eût mieux valu ne rien proposer du tout, car 1,250,000 francs ou rien, pour un pareil objet, c’était à peu près la même chose.
Après ces mesures temporaires venaient les mesures permanentes. Celles-ci embrassaient d’abord des secours donnés aux landlords pour améliorer leurs terres, ensuite des entreprises d’utilité publique faites par le gouvernement lui-même, enfin, pour couronnement, l’entretien légal des indigens, par les possesseurs de la terre, c’est-à-dire une loi des pauvres.