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frauduleuses et d’individualités mensongères ; ce n’est pas beaucoup dire. Embarrassé de noircir les deux cent cinquante pages qui complètent le volume, notre écrivain a imité Paul et Virginie, copié Raynal, calqué les négrophiles et mis en réquisition les souvenirs de la vieille littérature européenne On trouve dans son récit des admirations enthousiastes et vulgaires de la nature en Afrique, les éternelles récriminations en faveur de la liberté et de la fraternité humaines, des récits furieux de chasse et d’aventures empruntés à tous les livres de voyage, enfin la peinture, mille fois remaniée par mistriss Trollope, miss Martineau et vingt autres, de la tyrannie exercée par les planteurs des états américains du sud. Dans cette confession individuelle, ce qui se fait regretter, c’est une individualité originale ; ce qui manque surtout au récit du nègre Zamba, c’est Zamba.

Nous pardonnerions à ces livres d’être mal écrits, s’ils étaient vrais ; nous leur pardonnerions d’être menteurs, s’ils étaient amusans. Nous ne leur pardonnons pas d’être des mensonges qui ennuient. Les dollars convoités par le scribe qui a prêté sa plume au roi Zamba, le traité passé entre le libraire de Londres et le secrétaire de Marie-Anne Wellington, femme de soldat dont nous allons parler tout-à-l’heure, la spéculation pécuniaire et pieuse dont l’auteur de Marguerite Russell a combiné les résultats lucratifs, apparaissent trop clairement sous le voile intellectuel dont chacun de ces écrivains a espéré se couvrir. En s’adressant à un noble sentiment aujourd’hui général, celui de la fraternité humaine, ces écrivains d’un ordre nouveau essaient de l’exploiter, comme autrefois on exploitait le christianisme et la chevalerie. Leurs œuvres mériteraient à peine de nous occuper, si ce n’étaient des symptômes de l’état social actuel, les révélations d’un fait plus important que les faits littéraires. Ces derniers n’ont de valeur que si la société qui les produit en a elle-même, et l’on aurait tort de nous contraindre à faire le triste métier de scholiastes des mauvais livres, dans un temps où la société est plus intéressante que la littérature, l’avenir que le présent. La vraie critique, vigie perpétuelle, a mieux à faire que de peser les syllabes et d’analyser les styles ; c’est à elle de montrer dans quelles directions l’activité humaine est incessamment emportée. Il ne lui convient plus de rallumer le fanal des Le Batteux pour éclairer les solécismes en crédit et les barbarismes qui se commettent ; d’ailleurs elle aurait trop à faire.

Popularité, individualité, confessions personnelles, ce qui est du corps préféré à ce qui tient à l’ame, ces symptômes apparaissent dans deux autres ouvrages américains, le Séjour de deux Américains à Noukahiva et le Retour du matelot américain aux États-Unis. Le premier de ces livres avait dû un grand succès de lecture et une vente rapide à la singularité des aventures, fausses ou vraies, racontées par le héros ; on