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« Chryséis au vis clair eut Atrides en don.
« Tôt vient Chrysès, li prêtres du Dieu de longue archie,
« Es prompts vaisseaux des Grecs aux tuniques d’airain,
« Pour racheter sa fille à rançon infinie ;
« De Phébus Apollon il porte dans sa main
« Bandel et sceptre d’or, et tous les Grecs supplie[1],
« Surtout les deux Atrides, qui ont grand seigneurie.
« À ce très bien s’assentent tout[2] li autre Achéen
« Qu’honneurs soit faite au prêtre et rançons accueillie.
« Li seuls Agamemnons n’y a le cœur enclin,
« Durement l’arraisonne et mal le congédie.
« Courroucés s’en reva li vieillards ; mais ouïe
« Sa voix est d’Apollon, qui l’aimoit en certain[3] ;
« Sur nous lança li Dieux une flèche ennemie ;
« Ore à foule mouroit la gent ; li trait divin
« En la grant ost grégeoise voloient[4] partout à plein[5].
« Le Dieu vouloir[6] nous dit devins de grand clergie[7].
« Tôt premiers je commande soit l’ire au Dieu fléchie.
« Lors Atrides érage, et, se levants soudain,
« Il m’adressé menace qui jà est accomplie :
« Achéen aux yeux noirs, od[8] offrande choisie,
« Mènent en nef rapide Chryséis à patrie ;
« Et orains[9] de ma tente par hérauts est ravie
« Briséis, que je tien des enfants d’Achaïe.
« Mais tu, prend, se tu peux, ton fil sous ta baillie ;
« Implore Jupiter, en l’Olympe saillie[10],
« Se de fait ou de voix lui donnas onque aïe[11].
« Ens[12] au manoir mon père t’ai maintes fois ouïe
« Te vanter que tu, seule de l’immortel maînie,
« Le Dieu des noirs nuages, fil Saturne, sauvas,
« Quand Junons et Neptunes et Minerve-Pallas
« Et li autre tentèrent de le charger de lacs.
« Mais tôt des lacs tu vins délivrance lui faire,
« En l’Olympe appelants le géant aux cent bras,
« Qui Briarée au ciel, Égéon sur la terre

  1. Chron. des ducs de Normandie, v. 1587 : « Et qu’eux veulent tuit supplier. »
  2. Tous les autres Achéens.
  3. Certainement. Berthe, LXXIII : « Soixante sous coûta un an a, en certain. »
  4. Ces troisièmes personnes du pluriel sont ordinairement de deux syllabes dans les anciens textes, l’e se faisant sentir. Cependant elles étaient aussi, bien que rarement, d’une syllabe, comme elles le sont pour nous maintenant. Roncisvals, p. 164 : « Qui gisoient mort sans autre recouvrer. »
  5. Pleinement. Berthe, LXXIII : « De qui la gent se plaignent de toutes parts à plein. » Cette locution est dans Molière : « Au travers de son masque on voit à plein le traître ; » et dans Pascal ; « Qui voudra connoitre à plein la vanité de l’homme. » Voyez Génin, Lexique de Moliére, p. 18.
  6. Un devin nous dit le vouloir du dieu.
  7. Habileté.
  8. Avec.
  9. Tout à l’heure. Berthe, XLVII : « Uns hermites me dit orains mout doucement. »
  10. Étant montée en l’Olympe.
  11. Aide, secours.
  12. Dans le manoir de mon père : Berthe, XXXII : « Berthe fut ens au bois assise sous un fo. »