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désormais devoir nous venir les difficultés les plus sérieuses, n’inspire en ce moment aucune inquiétude. Abd-el-Kader, qui avait tenté de se rapprocher de la Moulouia pour entraîner les Beni-Senassen à le suivre sur le territoire algérien, a dû reprendre son ancien campement, après avoir vu ses excitations très froidement accueillies. La position de l’émir est dans ce moment bien plus menaçante pour le Maroc même que pour l’Algérie. En effet, son influence croissante sur les tribus qui environnent la deïra n’est pas le résultat de l’enthousiasme pour la guerre sainte, mais l’expression de la nécessité pour ces montagnards de se rallier à une autorité vigoureuse qui les sauve des dangers et des malheurs de l’anarchie intérieure. Du côté de la frontière de Tunis, notre situation est encore mieux assurée. La grande tribu des Nemencha, qui avait fui devant les trois colonnes opérant sur son territoire, a depuis fait sa soumission à un détachement de troupes laissé aux environs de Tebessa. Le Sahara est entièrement pacifié, et on commence à nouer des relations commerciales avec les oasis méridionales. La Kabylie est jusqu’à présent dans un état paisible qui ne parait pas devoir nous faire repentir des expéditions par lesquelles nous avons hâté l’établissement de la domination française dans ces contrées. Pendant que la fin de la campagne du printemps marque pour l’armée une période de repos, la direction des affaires de l’Algérie, au ministère de la guerre, ouvre sa campagne administrative avec activité. Déjà même avant les encouragemens et les conseils que la chambre des députés lui a adressés dans la discussion de la loi des crédits extraordinaires, elle avait préparé des projets pour développer l’établissement d’une société civile sur le territoire conquis et pacifié par nos armes. En ce moment, plusieurs projets d’ordonnance sont soumis aux délibérations du conseil d’état. L’organisation des conseils municipaux, la naturalisation des étrangers en Algérie, l’abolition de l’esclavage, la création d’un régime hypothécaire, des modifications au code de procédure civile en matière de saisie immobilière, telles sont les questions importantes qui vont bientôt recevoir une solution. Voilà d’utiles travaux ; mais que le gouvernement n’oublie pas que l’organisation intérieure de la colonie et ses destinées doivent être mises le plus tôt possible sous la sauvegarde d’une autorité supérieure confiée à d’habiles mains.

La querelle d’étiquette si malheureusement survenue entre la Porte et le cabinet d’Athènes approche enfin de son terme ; les dernières nouvelles d’Orient ne peuvent plus laisser de doutes à cet égard. Nous en félicitons vivement la Turquie et la Grèce, qui ont l’une et l’autre besoin de calme, et qui ont tant à gagner au maintien de leurs bons rapports. C’est la médiation de l’Autriche qui a préparé les voies d’une réconciliation entre les deux pays ; demandée par M. Coletti, cette médiation a été acceptée à Constantinople, et elle a eu pour premier effet l’abandon des mesures de rigueur arrêtées par le divan contre le commerce grec et les sujets hellènes établis en Turquie.

La bienveillance constante témoignée par le cabinet de Vienne à l’administration actuelle de la Grèce, les efforts qu’il n’a cessé de faire pour dissiper d’injustes préventions et réduire à leur valeur des attaques passionnées, indiquaient tout naturellement M. le prince de Metternich comme le meilleur intermédiaire à choisir dans un différend où la politique de l’Autriche, moins engagée que celle des autres puissances, ne pouvait apporter que l’intérêt de la paix. Les rancunes de la Porte contre un état affranchi de son joug avaient été ravivées ;