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une tête de chat. Sur un des murs extérieurs du temple, au-dessus de la figure d’Athor, j’ai lu trois hiéroglyphes dont le sens était manifestement celui-ci : La grande chatte. Voilà donc Athor déjà reconnue identique à Isis, qui est ici assimilée à Pacht.[1] C’est une preuve, encourageante pour moi des lumières que l’étude des monumens et des hiéroglyphes dont ils sont couverts peut jeter sur la religion égyptienne. Ce fait, comme on voit, n’est pas sans importance, puisqu’il rapproche l’une de l’autre deux divinités qu’on avait toujours crues distinctes, et nous fait faire un pas vers l’identification des principales divinités féminines de l’Égypte.

J’ai mis le pied dans le temple avec ce sentiment de curiosité qu’inspire un objet nouveau pour les yeux et qui a long-temps occupé la pensée. Au-dessus de ma tête était ce fameux zodiaque du pronaos, que j’avais entendu citer si souvent dans les discussions académiques entre mes savans confrères Jomard, Letronne et Biot. Quoi qu’en puissent dire ceux qui tiennent encore pour l’antiquité du zodiaque, cette partie du temple ne saurait être plus ancienne que Tibère. L’inscription grecque qui nous apprend que, la vingt-unième année de Tibère, les habitans du lieu ont élevé ce pronaos ne peut laisser aucun doute à cet égard. Cette inscription porte encore aujourd’hui l’empreinte de la haine populaire que souleva contre lui, il y a dix-huit cents ans, un préfet d’Égypte, Aulus Avilius Flaccus. Son nom, à demi effacé, ne se lit qu’à peine. M. Salvador pense que ce sont les Juifs d’Égypte qui, dans une insurrection, s’efforcèrent d’abolir le nom d’un de leurs principaux persécuteurs.[2] Sur la plate-forme du temple est la petite chambre d’où l’on a enlevé l’autre zodiaque, celui qui est maintenant à la Bibliothèque royale de Paris, et qui a fait encore plus de bruit que le zodiaque du pronaos.

Le zodiaque circulaire de Denderah fut découvert par Desaix, qui le signala le premier à l’attention de ses officiers. Il fut acheté fort cher sous la restauration,[3] et devint alors le sujet d’un débat très vif, auquel se mêlèrent les passions de l’époque. Les libéraux voltairiens voyaient dans l’antiquité prétendue de ce monument un triomphe de Dupuis et un démenti à l’Écriture ; les légitimistes orthodoxes voulaient que le zodiaque fût moderne, et se trouvèrent avoir raison. La critique de M. Letronne, peu suspecte de partialité, unie à la science nouvelle

  1. Les jolis chats de Babayn dont j’ai parlé étaient aussi en relation avec la déesse Athor.
  2. Histoire de la Domination romaine en Judée, I, 419. — Le système si original de M. Salvador touche en quelques points à l’Égypte. J’aurai occasion de discuter plusieurs idées de cet écrivain.
  3. Et on refusa pour 300,000 francs la collection de Drovetti, la plus belle qui existe et qu’à notre honte a achetée le roi de Piémont.