bretteur, du nom de la Rapière, vient offrir ses services à Éraste, qui les refuse avec mépris. Un des meilleurs services qu’avait rendus le prince de Conti aux états de Montpellier, moins de deux ans avant l’époque où nous sommes, était d’avoir obligé, non sans peine, la noblesse de Languedoc à souscrire la promesse d’observer les édits du roi contre les duels. Cette disposition pacifique contrariait singulièrement (comme le remarque Loret, lettre de février 1655) les gentilshommes à maigre pitance qui se faisaient un revenu de leur assistance dans les rencontres meurtrières, et la scène ni de l’acte V pourrait bien regarder ces spadassins récalcitrans.
Dans les faits qui précèdent et qui sont enchaînés l’un à l’autre par l’ordre impérieux du temps, il ne nous a pas été possible de placer l’offre faite à Molière, suivant Grimarest, par le prince de Conti de le prendre pour secrétaire en remplacement de Sarrasin, non plus que le beau discours de Molière en refusant cette place, qui fut donnée, dit Grimarest, sur le refus de celui-ci, à M. de Simoni. La vérité est que Jean-François Sarrasin, secrétaire des commandemens du prince de Conti, mourut à Montpellier au mois de décembre 1654, lorsque Molière était encore à Lyon, et que la même « gazette » qui annonçait sa mort fit connaître le nom de son successeur, le sieur de Guilleragues. D’Assoucy nous apprend aussi qu’en arrivant à Pezenas avec Molière, il trouva M. de Guilleragues installé dans ses fonctions, à telles enseignes qu’il en reçut de l’argent.
La troupe de Molière, qui était venue en Languedoc l’an 1655, qui s’y était maintenue, après le départ du prince de Conti, pendant toute l’année 1656, y passa encore, à ce qu’il parait, tout le temps de l’année 1657, et ce fut seulement en 1658 (Lagrange et Vinot) que « les amis de Molière lui conseillèrent, » non pas de venir à Paris, nais « de s’en approcher, » de se poster au moins dans une ville voisine pour donner à ceux qui lui voulaient du bien le temps et le moyen de « l’introduire à la cour. » Une partie de son itinéraire nous a été conservée. « Il passa le carnaval à Grenoble, en partit après Pâques (1er avril), et vint s’établir à Rouen. » Pendant qu’il faisait ce circuit assez long, et dans lequel on peut supposer bien des haltes, le prince de Conti, à côté duquel les biographes le placent toujours comme auprès du patron le plus sédentaire, qui avait quitté le Languedoc depuis deux ans, qui en avait passé un à la cour et l’autre à la guerre en Italie, s’éloignait de Paris (mai 1658) et allait prendre possession de son gouvernement de Guyenne, d’où il revint pour voir accoucher sa femme (6 septembre). Six semaines après, Molière obtenait la permission de se montrer devant le roi, et il est assez probable que, pour cela, la protection du prince ne lui fut pas inutile ; mais il était temps qu’il s’en servît de manière à pouvoir plus tard s’en passer, car, moins de quatre ans après, ce même prince, si bon compagnon, qui avait eu Sarrasin pour secrétaire et Bussy-Rabutin pour confident, devenu enfin gouverneur de Languedoc, s’était fait dévot à outrance, et voici ce qu’en écrivait Racine, alors à Uzès, le 5 juillet 1662 : « Une troupe de comédiens s’était venue établir dans une petite ville proche d’ici ; il les a chassés, et ils ont repassé le Rhône. »
Le prince de Conti n’en était pas là en 1658, et tout porte à croire que Molière dut en effet à sa recommandation le jeune et puissant appui qu’on vit alors se déclarer en sa faveur. Le roi avait un frère âgé de dix-huit ans, jouvenceau de folâtre humeur, en ce temps le favori des belles dames dont il partageait les