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le général Morales n’avait, au dire de l’officier, que le plus vif désir de voir les Américains pendus jusqu’au dernier. Quelques minutes après, le capitaine Johnson recevait la réponse du gouverneur : celui-ci refusait, en effet, toute espèce de proposition d’arrangement et promettait de tenir bon tant qu’il lui resterait une cartouche et un soldat pour pointer un canon.

Le brave général Morales aurait tenu promesse, mais un mystérieux événement ne lui permit pas de réaliser son projet de résistance héroïque. Pendant quatre longs jours encore, du 22 au 26, le canon américain ouvrit de larges brèches dans la muraille d’enceinte et balaya les rues ; les bombes et les obus amoncelèrent les ruines dans Vera-Cruz. Le 26, le bruit de la mort du général Morales se répandit[1], le général Landero le remplaça et fit parvenir des propositions de paix aux commandans américains. Le 27, les bases d’un arrangement furent posées ; le 29, Vera-Cruz ouvrit ses portes, le fort se rendit, et quatre mille hommes, qui composaient les deux garnisons, mirent bas les armes en présence de l’armée ennemie. Une immense acclamation partie de la flotte et de l’armée américaine accueillit le pavillon étoilé qui alla triomphalement remplacer le drapeau tricolore mexicain. Pour les Américains en effet la prise de Vera-Cruz était comme l’investiture des états envahis : c’était la consécration du droit de la force. On pouvait dire que dès ce moment de nouvelles étoiles venaient d’être ajoutées au pavillon de l’Union. Ainsi sous les yeux de l’Europe, représentée par ses vaisseaux, commençait à s’accomplir ce toast ambitieux que porte chaque jour le démocrate américain, ivre de grog, et d’orgueil national : May the stars bespangling our flag, se increase, that there may bu ne room any longer for stripes[2] !

  1. J’extrais textuellement ce passage d’une lettre datée de Mexico, 31 mars, écrite par un homme assez haut placé pour être initié aux secrets du gouvernement mexicain « Hier soir il est arrivé un courrier extraordinaire de Vera-Cruz, apportant la nouvelle de la prise de cette ville et de la mort du général Morales, qui la commandait. On parle diversement de cette mort. Les uns l’attribuent à un accès de colère, les autres à une bombe, d’autres disent qu’on l’a empoisonné. La garnison a été livrée aussitôt à une épouvantable démoralisation, et Laudero, qui a remplacé Morales, a fait une capitulation honteuse. » Que penser maintenant des rapports contradictoires donnés sur ce fait par legs journaux américains ? Selon les uns, Morales a été trouvé enchaîné dans le château de Perote ; selon les autres, il a été envoyé devant un conseil de guerre réuni à Guanajuato. Ces assertions si opposées s’accordent cependant sur un point : c’est la part que le gouvernement mexicain aurait eue dans la disparition de Morales.
  2. « Puissent les étoiles qui brillent sur notre pavillon devenir si nombreuses, qu’il n’y ait désormais plus de place pour les raies ! » On sait que les étoiles indiquent dans le pavillon américain le nombre des états. On sait aussi que ce pavillon porte vint-cinq étoiles d’argent au coin droit du haut, et treize bandes horizontales rouges et blanches, su qu’il est, en termes héraldiques, « burelé de gueules et d’argent, au canton dextre du chef d’azur, chargé de vingt-cinq étoiles d’argent posées par cinq. »