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du haut de ses montagnes ses doctrines radicales, son agitation, comme ses fleuves, sur les trois grands pays voisins. Le parti radical en Europe a choisi en ce moment la Suisse comme le foyer de perturbation le mieux situé et le plus facile à allumer avec de faibles moyens. C’est surtout dans les classes laborieuses que l’œuvre a été entreprise et suivie avec persévérance. Le Sonderbund, les jésuites, le pacte fédéral, ne sont que des prétextes pour frapper un coup en Europe et amener peut-être le triomphe de cet ensemble de doctrines monstrueuses que des insensés ont rêvées, et pour la réalisation desquelles ils n’épargneront rien, dans aucun pays, ni le sacrifice de leur fortune et de leur vie, ni les luttes de la pensée, ni le danger des conjurations, ni la fuite, ni l’exil, ni le dévouement du crime même. Pour mieux indiquer la pensée dans laquelle se fait partout, sous des couleurs différentes, avec des attitudes diverses, cette propagande radicale dont les sociétés modernes sont si fatalement travaillées, je citerai un seul passage d’un écrit récent que le hasard a placé sous ma main, et où se trouvent hardiment résumées les doctrines du parti.

« Lorsque la Suisse, dit l’auteur de cet écrit, sera constituée sur les bases de l’unité, la propagande européenne l’opposera comme une force imposante aux tyrans. Les républicains de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, s’uniront aux confédérés, et qui pourra résister à trente millions d’hommes libres, tous exercés dans le maniement des armes et prêts à mourir pour briser les fers de leurs frères ? Alors plus d’unité possible dans les efforts du despotisme ; l’alliance des grandes puissances sera brisée, la conspiration des rois contre la liberté des peuples réduite à l’impuissance, la monarchie paralysée dans son action, et la tyrannie percée au cœur. Alors on arrêtera, on chassera, on tuera même les rois, les empereurs qui se repaissent de chair et s’abreuvent de sang humain, tous ces maîtres qui mènent à coups de fouet les troupeaux de bêtes à deux pattes qu’on appelle peuples.

« Alors on améliorera les choses de ce monde en sacrifiant Dieu à l’homme, la théologie à l’humanité. Ce sera le règne de l’homme qu’on établira sur la terre et non plus le royaume de Dieu, qui pèse comme un cauchemar sur notre conscience. »

Tels sont les désirs, les espérances, les prédictions, les enseignemens, le but du parti radical en Europe. Ceux qui en doutent, endormis dans des prospérités fugitives, ont des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne pas entendre ; mais tout homme de sens qui a vu les faits et qui a étudié de près les esprits sait bien ce qu’il faudrait attendre du mouvement qui ébranle aujourd’hui la confédération helvétique, si ce mouvement finissait par triompher. Les mêmes doctrines, les mêmes vœux que ces citations expriment sont tous les jours reproduits, avec plus ou moins de dissimulation, avec plus ou moins d’audace, dans