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théologiques, mais avec des chefs-d’œuvre littéraires. La langue, on peut le dire, s’est formée à l’ombre de ses cloîtres ; ses pieux habitans, après la grande affaire du salut, n’avaient point de plus grande affaire que celle du beau style, et n’étaient pas moins intraitables sur la grammaire que sur la grace efficace. Il y a de plus la liberté de conscience, le droit de penser et de prier, aux prises avec l’autorité de Louis XIV, et la politique, comme la littérature, comme la philosophie, a attaché au nom de Port-Royal des souvenirs importans, mais confus, qu’il est tout à la fois aride et attrayant d’évoquer.

M. Sainte-Beuve a le premier fouillé ces ruines, et, en touchant avec un respect mêlé d’attendrissement et de pitié les morts ensevelis sous leurs décombres, il a replacé sous nos yeux, comme sur une scène animée et vivante, les solitaires qui peuplaient, il y a cent cinquante ans, le vallon silencieux qu’avait occupé, dans le moyen-âge, l’ermitage de saint Thibault. Questions religieuses, politiques, littéraires, philosophiques, M. Sainte-Beuve a tout approfondi, et en combinant, avec une sagacité qui est pour lui un secret tout personnel, l’érudition, la critique et la psychologie, il a fait un de ces livres d’une originalité saisissante, où chaque page est une révélation, et qui font comprendre et juger comme une affaire contemporaine des faits qui, pendant de longues années, étaient restés en quelque sorte à l’état d’énigme. Le beau travail de M. Sainte-Beuve entraîna M. Cousin vers les mêmes études. L’un avait fait défiler devant nous toute l’armée janséniste, l’autre évoqua dans cette armée le souvenir de quelques soldats d’élite. Par M. Sainte-Beuve nous avons connu toute la secte, par M. Cousin nous avons connu la famille Pascal. Aujourd’hui M. Varin nous apporte de nouveaux documens sur un autre groupe janséniste, sur le groupe des Arnauld, famille étonnante, ainsi que l’a dit avec raison M. Villemain, par la variété des talens et l’uniforme élévation des caractères, véritable tribu antique dont tous les membres, comme les Appius de Rome, étaient également ardens, habiles, opiniâtres. Hommes ou femmes, les Arnauld sont tout à la fois les apôtres, les martyrs, les grands tacticiens du jansénisme. Compléter, élucider l’histoire de cette famille, c’est compléter l’histoire de la secte elle-même. Tel est le but que s’est proposé M. Varin.

Parmi les riches collections de documens réunis dans le XVIIIe siècle par le marquis de Paulmy, collections acquises plus tard par le comte d’Artois, et conservées aujourd’hui à la bibliothèque de l’Arsenal, il en est une qui se compose des papiers de la famille Arnauld, et qui était restée jusqu’à ce jour à peu près inconnue du public. A côté d’un grand nombre de pièces relatives à l’histoire générale du royaume, on y trouve en plus grand nombre encore des lettres, des mémoires, en un mot des papiers intimes de la famille Arnauld. Attiré par l’attrait des découvertes, l’encre pâlie et ce parfum de poussière qui enivre les