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des bains de mer, et aboutit à une charmante maisonnette toute blanche, qui porte à son côté un bouquet d’arbres verts. A partir de cet endroit, appelé el Descanso, la promenade se divise en deux branches. Celle de gauche forme le commencement d’une large route qui conduit à la pointe du phare ; l’autre, taillée en partie dans le roc, s’élance jusqu’à une plate-forme étroite, d’où l’on découvre la rade et la ville entière ; mais ce prolongement, ciselé en quelque sorte au flanc des falaises, est si escarpé, si étroit, si vertigineux, qu’il convient tout au plus au pied fourchu des chèvres ; aussi le nomme-t-on Camino del Diablo.

Le Castillo, désert une partie de l’année, s’anime pendant la belle saison, c’est-à-dire du mois de septembre au mois d’avril. Le dimanche surtout, de fraîches et brillantes toilettes émaillent cette étroite chaussée, qui semble alors une longue plate-bande dont le vent de la mer agite incessamment les fleurs. Les promeneuses laissent à découvert leur chevelure aplatie sur les tempes en bandeaux noirs et lustrés, quelquefois tordue en spirales épaisses sur la nuque, et plus souvent encore divisée en deux tresses flottantes. La régularité et la douceur de la physionomie sont choses communes parmi les Chilenas, mais l’élégance de la démarche, la grace du mouvement, la délicatesse des formes, nous paraissent l’apanage d’une minorité fort restreinte aujourd’hui, minorité à laquelle un sang pur de tout mélange conserve sans doute sa perfection originelle : nous voulons parler de la race des conquérans, des filles de la vieille Espagne. A Valparaiso, il ne faut point chercher les vraies Chilenas (nous désignons par ce mot les descendantes des races espagnole et indienne mélangées) parmi les jeunes femmes du monde, car un grand nombre d’Européens enrichis se sont alliés aux enfans du pays (hijos del païs), et ont imprimé à leur descendance l’irrécusable cachet d’une nationalité différente. Chez le peuple, ces mariages ont été moins nombreux ; aussi trouve-t-on là surtout les Chilenas au type indien ou espagnol, modifié suivant le nombre des alliances dans l’une ou l’autre de ces races. Des cheveux noirs, épais et rudes, un front étroit et bas, des yeux relevés légèrement vers les tempes, des mâchoires saillantes, révèlent le sang indien. Des sourcils d’une courbure gracieuse, des yeux mobiles, lumineux et fendus en amande, un nez mince, une main fine, un pied petit, caractérisent l’origine espagnole. La diversité des races se révèle aussi par les nuances de la peau. Parmi les femmes réunies le dimanche au Castillo, les unes sont vigoureusement colorées comme le cuivre, les autres semblent dorées par un rayon de soleil ; celles-ci sont pâles comme des roses thé, celles-là ont la douce fraîcheur des roses du Bengale ; s’il y a quelque différence dans la couleur des chevelures, il n’y en a point dans celle des yeux, qui sont généralement noirs. La tournure des Chilenas ne répond