qu’il y avait, dans tout ce qui s’est passé à cette époque, beaucoup moins de combinaisons profondes, d’arrière-pensées, de machiavélisme, qu’on ne l’a généralement supposé. Il est certain qu’en admettant purement et simplement les versions officielles, on eût été bien plus près de la vérité qu’en se jetant, comme on l’a fait, dans le champ illimité des suppositions et des conjectures. Les révélations tardives des personnages politiques ajoutent généralement bien peu de chose à ce qu’ont pu savoir et comprendre, dès le premier moment, les hommes passablement informés et doués d’un bon jugement. Lorsqu’elles sont parfaitement sincères, l’utilité qu’on peut en retirer est moins d’apprendre des vérités inconnues d’une importance réelle que de se détromper des hypothèses mensongères et subtiles qui, en l’absence de documens positifs, séduisent trop souvent les imaginations trop confiantes. C’est ainsi que, dans un autre ordre d’idées, la vraie et saine philosophie a moins pour résultat d’élargir au-delà de certaines limites le cercle de nos connaissances, invinciblement circonscrites par la nature des choses, que de les épurer du fâcheux alliage des rêveries inventées par les sophistes.
En parlant des mémoires de lord Sidmouth récemment publiés, je ne me suis pas exprimé avec une complète exactitude. Nous n’avons pas les mémoires de lord Sidmouth, mais une vie de cet homme d’état écrite par son gendre, le révérend George Pellew, dans laquelle de nombreux extraits de sa correspondance se trouvent intercalés au milieu d’une narration composée, en partie, à l’aide de récits recueillis de sa bouche ; d’autres documens plus ou moins précieux y sont également encadrés, entre autres des fragmens considérables d’un journal manuscrit de lord Colchester, qui, sous le nom de M. Abbott, présida la chambre des communes après lord Sidmouth. Au point de vue littéraire, cette composition n’a rien de remarquable. L’auteur, uniquement occupé du soin de disposer avec ordre les matériaux qu’il avait sous la main, n’a apporté dans son travail aucune habileté de mise en œuvre : l’art des transitions, l’enchaînement du récit, lui sont absolument étrangers ; dans la masse des correspondances qu’il avait à sa disposition, il n’a pas su restreindre son choix à celles qui présentaient un véritable intérêt, et la crainte exagérée d’omettre la moindre particularité qui pût tourner à la gloire de son héros lui a fait très inutilement grossir son recueil d’une multitude de lettres dans lesquelles il est impossible de voir autre chose que des complimens insignifians de personnages obscurs ou subalternes. Il en résulte que la lecture de cet ouvrage est peu attrayante, non-seulement pour les esprits superficiels, mais même pour les esprits plus sérieux qui, aimant, véritablement l’histoire, veulent cependant qu’on la leur offre toute faite, toute dégagée de l’échafaudage compliqué sur lequel il faut se