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sa gracieuse allure dans les vers cadencés de M. Irizare[1]. Dans sa légende des Clochers, M. San-Fuentes peint les mœurs du dernier siècle en s’inspirant tour à tour de Byron et de son froid imitateur espagnol Mora. Voici le portrait d’un gentilhomme chilien du XVIIIe siècle tracé avec une concision piquante par M. San-Fuentes :

« … Comme il n’avait jamais rien à faire, ce grand seigneur dormait jusqu’à huit heures ; on lui disait la messe dans son oratoire, puis il prenait son chocolat. A midi, le dîner était servi, après venait la sieste, plus tard le mathé ; pour se distraire, il allait ensuite faire un tour en calèche ; à onze heures, notre marquis ronflait[2]. »

Il y a du goût, de la facilité dans les vers de M. San-Fuentes, mais nous retrouvons encore ici le pastiche. L’originalité, en général, qu’on cherche en vain dans l’ensemble de ces poèmes, quelquefois on la trouve dans les détails. Çà et là, au milieu de pages qui rappellent tour à tour Childe-Harold, les Méditations ou les Orientales, s’élèvent des accens empreints d’une émotion pénétrante, où se révèle l’influence de la nature et des mœurs du Nouveau-Monde. Cette influence, par exemple, ne se mêle-t-elle pas à une mélancolie passionnée dans la strophe charmante que nous allons citer, et dont l’auteur, malheureusement, nous est resté inconnu ?

« Tes désirs sont mes désirs, tes tristesses sont les miennes, nous sommes deux vagues de la même mer agitée, deux idées qui forment une pensée, deux plaintes d’une même douleur, deux échos d’une même voix[3]. »

  1. Nous citerons la première strophe, pour montrer avec quel bonheur le mouvement et la coupe de la strophe française ont été conservés par le traducteur :

    La bella Sara indolente
    Muellemente
    Se comienza a columpiar,
    A sus pies el recipiente :
    De una fuente

    La mas pura del lugar.</poem>

  2. Como ningun que hacer le daba prisa
    Dormia hasta las ocho este magnate,
    En su oratorio le decian misa
    Y tomaba despues su chocolate
    La comida a las doce era precisa
    Y la siesta despues, y luego et mate ;
    Y tras esto por via de recreo
    Iba a dar en calesa su paseo…
    A las once et marques se halla roncando.

  3. Tus gustos son mis gustos
    Mios son tus pesares…
    Dos olas de los mares
    En tempestad feroz
    O dos ideas somos
    Que hacen un pensamiento
    Dos quejas de un lamento,
    Dos eco de una voz.