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Luisa-Fernanda ; n’est-il pas évident, aux yeux de tous les hommes sensés et clairvoyans, que l’infante ne pourrait apporter à l’Espagne que la continuation de la monarchie constitutionnelle, tandis que, d’un autre côté, ce serait ou un abîme de révolutions dont nul ne saurait entrevoir le fond, ou l’avènement au trône du comte de Montemolin, caressé, protégé par l’Angleterre ? Et quel caractère aurait forcément alors pour l’Espagne le retour du fils de don Carlos ? Ce serait une restauration nette et pure, quelque chose comme un 1815 ; sans la grandeur et l’éclat glorieux qui ont précédé en France ce triste temps. On peut voir par là la justice de ces déclamations qui reprochent en ce moment même, avec une recrudescence violente, au parti modéré ses sympathies pour la France. Oui, sans doute, l’Espagne éclairée, véritablement libérale, conservatrice, l’Espagne qui ne veut ni de l’anarchie ni du rétablissement de l’absolutisme, doit attacher quelque prix à notre alliance ; il n’y a rien là qui puisse embarrasser ni la France ni le parti conservateur espagnol. Leur conviction commune résulte du sentiment de cette intime connexité des intérêts des deux pays que nous signalions ; et, s’il fallait ajouter quelque chose encore, nous rappellerions cette belle parole d’un orateur du congrès de Madrid, qui révèle le secret de notre influence au-delà des Pyrénées : — C’est que la France est la plus vivante et la plus glorieuse expression de la civilisation nouvelle que l’Espagne travaille péniblement à s’assimiler.

Ainsi la crise actuelle, qu’on s’est efforcé de rendre périlleuse, ne sert qu’à faire éclater plus solennellement les vrais besoins, les vraies tendances de l’Espagne. C’est dans les doctrines politiques du parti modéré que la Péninsule peut trouver la sûreté intérieure, comme elle trouverait, s’il en était besoin, la sûreté extérieure dans son alliance avec la France. Là réside l’intérêt réel, sérieux, permanent de ce généreux pays. Quoi qu’il arrive, nous avons la confiance qu’aucune intrigue, qu’aucun caprice, qu’aucune folie n’obscurcira cet intérêt et ne l’empêchera de prévaloir. C’est là le point supérieur et dominant dans la question espagnole ; tout le reste est livré au hasard des passions et des incidens secondaires.