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ont affectée a beaucoup frappé les Allemands, et il se pourrait bien qu’ils vinssent jouer dans la Prusse constitutionnelle de l’avenir ce rôle gênant et savant avec lequel l’Irlande tient l’Angleterre en échec par le seul effet du mécanisme parlementaire.

Ce sont là les huit nations qui composent la monarchie prussienne, et quand on les a de la sorte énumérées, quand on s’est aussi représenté les vicissitudes politiques qui, depuis moins d’un siècle, ont passé l’une après l’autre sur tous ces divers territoires, on se demande avec étonnement quelles sont les institutions qui résistent à de si rudes secousses, à de si profonds déchiremens. Je veux les prendre telles qu’elles m’apparaissent aujourd’hui, dans l’état où je les vois, avec leur physionomie du moment comme avec les conséquences de leur passé, avec le caractère qu’elles tiennent des personnes comme avec l’esprit qu’elles ont emprunté des temps. Cette rapide analyse me conduit nécessairement du trône au temple et à la caserne, au pied de la chaire et au fond des bureaux ; si brève qu’elle soit, je tâcherai du moins de la faire toujours impartiale et vraie.


II.

Ab Jove principium musae, Jovis omnia plena.

Le roi d’abord, car il est partout sur cette scène confuse, et sans lui la scène paraîtrait vide. Où seraient sans lui les péripéties, les coups de théâtre, l’inattendu, le drame en un mot ? Retranchez du milieu de la pièce qu’on vient de jouer à Berlin ce caractère tout plein de vie et de mouvement, ou bien la pièce n’eût pas commencé, ou bien elle eût fini d’un trait. Le retrancher n’est pas possible, le dépeindre n’est point aisé. Humble spectateur, debout dans les profondeurs les plus obscures du parterre, j’ai toute l’inclination du monde pour cet acteur original qui se trouve être un prince. Je voudrais bien dire ce qui me plaît de lui, ce que j’en aime, mais j’appréhende que la franchise plébéienne des sympathies qui me font goûter sa personne ne dérange un peu les admirations officielles qui entourent sa royauté. Or, il est si facile par ce temps-ci d’être impertinent vis-à-vis des trônes, qu’il m’en coûterait de passer pour n’être point respectueux, et mon respect cependant est de nature si particulière, que j’entends déjà plus d’un chambellan le taxer d’irrévérence. Ce serait en vérité beaucoup d’injustice : les chambellans de tous les siècles en sont toujours à cette question que l’Académie française débattait sous Louis XIV : Laquelle des vertus du roi mérite la préférence ? Moi, je préfère les défauts, parce que j’y sens mieux l’homme. Est-ce donc là de quoi fâcher le roi ?

J’ai rencontré quelque part un admirable portrait du grand Frédéric,